Fatigue

Je devrais porter ma fatigue
plus loin dans une forêt,

l’abandonner aux arbres
au milieu d’une clairière,

au lieu de lui laisser une place
près de moi qui la dévore.

M’affamer pour l’oublier.
  • 28.3.25

Sans moi

Le jour a commencé sans moi,
glisse sous la porte une lumière  
de déjà-vu une odeur d’ordinaire.

De petites sensations sans charme 
vont viennent avec leur éternité  
de gestes qui rassurent la tête le corps. 

Vont viennent avec leur entêtement,
leur poids et leur râle rampant ;
le jour a commencé sans moi, tant mieux. 
  • 26.3.25

C’est idiot

J’aime la lenteur des dimanches,
leur goût pour les ambiances feutrées. 

J’ai un café dans les mains,
le regard dans la rue. 

J’attends qu’un facteur passe,
c’est idiot c’est dimanche. 

Dimanche feutré sans personne,
avant le tohu-bohu des questions.
  • 23.3.25

Debout

Il fait un jour à tenir le paysage debout. 
On doute de notre regard. Des îlots de réalité qui le composent. Les points et les lignes qui tiennent le tout ont des tremblements. Petit séisme dans l’appréhension de ce qui se dresse devant nous. Il faut retenir nos langues qui auraient vite fait d’expliquer les petites erreurs du réel. Il y a trop peu d’arbres qui traversent la ville pour nous rassurer. Rien que ce trou sur le trottoir ne présage rien de bon.
Il fait un jour à tenir le paysage debout.
  • 22.3.25

Si peu

Aujourd’hui, rien ou si peu. On peut lever les yeux, regarder le ciel, se dire à demain ou adieu. 

On n’est pas si mal avec ce si peu, aussi peu que cette goutte de pluie glissant sur la vitre vers l’oubli,

et à qui l’on confierait presque notre vacuité, notre inlassable besoin d’être consolé. 
  • 20.3.25

Tout cabossé

Il y a faille de la mémoire,
obscur déni ou amnésie. 

On secoue le grand sac 
pour trouver le bon numéro,
un plaisir d’enfant dans le sourire.

Ce que l’on sort alors
de nos emmêlés est souvent 
un petit mensonge tout cabossé.

2020
  • 19.3.25

Dans ma musette

Je voudrais un mot pour la soif
dans ma musette du grand voyage. 

Oh ! Rien de bien fameux
rien de ronflant ni de bien beau. 

Un simple mot suffirait,
il dirait par l’exemple 

combien les sales instants 
avec le temps sont des ancrages.

2020
  • 16.3.25

Obscure clarté

Il y a un contre-froid de saison, des pensées de printemps contrariées, quelques restes d’un hiver mal ajusté.
Le jour avec la nuit, le chaud-froid des émotions ; l’obscure clarté, dirait l’autre.
Allons ! Tirons un trait, observons quelque oiseau et gardons-en le geste élégant de l’envol.
  • 13.3.25

Cahin-caha

J’ai vu passer une solitude ce matin tôt avec son charriot d’angoisses, sur le trottoir cahin-caha trottant comme une enfant un premier jour d’école.

Son regard tombait sur ses souliers neufs, ceux que l’on a tous un jour portés, ceux qui brillent trop, que maintenant elle aimerait vite salir pour pouvoir marcher plus droit.

2023
  • 8.3.25

Fini

Je me souviens des nuits qui ressemblaient à des jours, des angles morts qu’elles faisaient dans la tête.

Je me souviens des tours de passe-passe pour attiser les pensées, des bouts de bois fumant sous les cendres, du feu dormant des peurs enfantines.

Je m'en souviens comme si c'était fini.
  • 6.3.25

Lieu

Je cherche un lieu où poser mon corps,
une embrasure dans un ciel porteur,
un endroit sûr sous une lumière solide.

J’y mettrai ma couche de paille,
entrains paresses et lendemains,
quelques amuse-bouches puis du vin
pour les jours où le ciel porte bas.

Loin de toute géographie connue,
je cherche un lieu qui ne tremble pas.

2023
  • 4.3.25

Étanche au monde

La ville a des sons lourds qui font tampons dans les oreilles. Ça convoque l’eau qui bouche à l’heure du bain, revient comme bouteille à la mer puis arrondit les bruits alentour pour plonger le souvenir dans une nasse.
Le clocher sonne un repic étouffé, les pas flâneurs du dimanche glissent sous des éponges. Les disparus reviennent, leurs voix passées au tamis glissent au-dessus des toits. Je les entends loin, enfant étanche au monde, tête et pensées sous l’eau. 
  • 2.3.25

Rire

Dehors tourne à vide sur un homme dans la rue. Il rit seul, assis sur un banc de fer blanc. Il rit bouche ouverte pour que sorte la douleur. Il rit sur une plaie aussi rouge que le banc est blanc. Jusqu’au moment où son oeil retourne vers toi le malaise. Jusqu’à cet instant où tu sais qu’à ton tour il faudrait rire.

2018
  • 1.3.25

Rivière

Maman porte en elle une rivière que papa ignore. Mais papa est le fleuve alors je fais mine de le suivre.
Traverser fleuve ou rivière revient à porter sa petite mare d’enfant, comme un vase rempli à ras bord qu’il vaut mieux ne pas renverser. 
Il ne faut pas se prendre trop tôt pour l’affluent.

2020
  • 25.2.25

Boucle

On ferait bien de boucler chacun de nos jours par un double noeud, bien serré ; en utilisant à cet effet un emballage solide, de cette matière plastique résistante dont on fait les sacs poubelles. 
Bouclons avant la dernière heure. Remords, petites hontes mal digérées, rogatons de mensonges, orgueils mal embouchés et autres salmigondis de pensées. Bourrons tout notre mou et serrons bien fort les liens, pour qu’aucune odeur ni flétrissure ne vienne pourrir le lendemain.
Ainsi, repartons débarrassés des scories de la veille avec la ferme intention de faire du nouveau jour moins de déchets. Mais ne nous leurrons pas : gardons en tête que l’Intention bien que louable est vaine, acte de vanité irrépressible qu’il sera bien temps d’expier et d’emballer dans le prochain sac que l’on ferait bien de boucler…
  • 25.2.25

Sourire

Le trottoir soudain s’allonge
sous un soleil nouveau.

Dans la rue, les cols s’ouvrent
et les visages se relèvent.

Mon pas est lent pour suivre
la direction des sourires.

Rien de mieux qu’un sourire
pour survivre au chemin.

2020
  • 24.2.25

Futur

Tu dis qu’enfant, on ne t’avait pas vendu ce futur. Tu tailles un crayon et tu penses à la mine et à sa polysémie. 
T’en tires une mine ! Assis là, à la table de lecture, en train de faire coïncider souvenirs et avenir. 
Tu sais bien qu’il y a plus malheureux que toi, t’es pas à la mine ! Tu souris, reposes le crayon, souffles sur les rognures de bois. Elles retombent lentement, bien où elles veulent, déjà tout à leur futur.

2024
  • 22.2.25

Autour d’une pomme

Le ronronnement d’un moteur, le roucoulement d’un pigeon, la lumière dans sa paresse. Le matin et un tremblement dans les yeux, le temps d’apprivoiser le monde. 
Il y a aussi l’odeur de la pomme que l’on vient de trancher en deux. Le goût du sucre qui prend le plaisir par la main jusque dans la succion d’un pépin, avant son revers âpre quand on le croque. 
La lumière monte sans grand entrain. On a envie de la pousser dans le dos, de soulager la digestion de tous les pépins passés. Le moteur pourrait aider s’il n’était pas tout à son affaire de moteur. Un tremblement et la voilà, fière lumière, sur les toits à fricoter avec les pigeons. Jour.
  • 21.2.25

Fainéant

Avec des coupes dans la lumière et des aplats d’ombres, février continue à regimber. Il n’est pas du matin, traîne et charrie les couleurs comme de longs bâillements. On lui aimerait une mère assez autoritaire pour le lever du lit. Debout, février, il est déjà neuf heures ! Mais rien, février est un fainéant blotti sous sa couverture de nuages. On n’en tirera rien. 
  • 16.2.25

Équeuter les heures

Il faudrait équeuter les heures, n’en garder que le vert et le tendre, laisser tomber les saillantes, les âpres, les mauvaises en bouche et occuper ce qui reste de minutes avec un tas de pensées vagues que l’on finirait par laisser s’enfuir, libres, par la fenêtre.
  • 13.2.25

À tâtons

On entend un enfant à l’étage,
son rire courir dans la pièce,
puis l’eau couler dans son bain.

Quand le rire glisse vers les pleurs,
on sait la bouche pleine de savon,
la mousse dense qui pique l’œil.

On sait ces instants aveugles
à chercher à tâtons la main
d’une mère plutôt qu’une serviette.

2019
  • 11.2.25

Calme

Il y a des soirs où le calme ne vient pas
Le jour fait ses affaires avec les habitudes
La lumière tombe sensible aux choses 
Le monde descend sans rechigner
Mais un bouillon secoue les ombres 
Oh rien ne passe qui vaille une histoire
Le visible reste lisible, le commun à sa place 
Mais le calme ne vient pas avec le soir

2023
  • 9.2.25

Les fils électriques

Midi et j’ai les yeux suspendus aux fils électriques qui passent devant les fenêtres de l’immeuble voisin.

C’est beau, les fils électriques, le charme de la désuétude. Ils tiennent à la rue comme à ma petite mélancolie, de par leur lent balancement entre une brise sans importance et le cataclysme chimique qui occupe mon esprit.

Si un quidam passait, il dirait de ma tête qu’elle est ailleurs ; oui ailleurs, à cheval sur un déséquilibre, en porte-à-faux pour dire vrai.
  • 31.1.25

Puits sans fin

Le rêve est un puits par lequel je remonte lentement. Je suis par-dessus la vie. Omniscient du rien qui fait plein. Un pigeon piétine sur un toit dans un affolement d’ailes et tout un monde s’agite. Dans le ciel, une lucarne s’ouvre par un fondu au noir de cinéma et offre une intensité à partager. Puis tout s’emballe, de bric et de broc : le pigeon ouvre la lucarne, le ciel bat des ailes, le puits m’appelle sans fin. Rien ne tient la route. Pourtant la route est là, sous mes pieds, tangible, dense et aérienne pour autant d’espaces sans pareil.
  • 29.1.25

À la soupe

J’entends les enfants
chahuter depuis la fenêtre.

Leurs voix dans la rue gelée
forment des ronds de fumée.

Quelque souvenir s’y cogne
comme les années sur mon visage.

Une ride de plus quand la mère
crie à la soupe à leur oreilles rougies.
  • 28.1.25

Matin

Le jour n’a pas fini de frotter sa figure
et le trottoir a des fourmis dans le pavé. 

Lentement le quartier s’éveille. 
Une fenêtre s’ouvre puis une autre 
comme les doigts d’un poing serré. 

Il reste un morceau de lune coincé 
dans ma bouche et la nuit me parle encore.
  • 26.1.25

Cercle de rouille

Il y a toujours ce cercle de rouille sur la toile cirée, trace du vieux vase en étain qui trônait constamment sur la table de la cuisine. 

Il y a toujours ce cercle de rouille parce que l’eau du vase débordait légèrement, coulait le long, tombait sur la toile cirée, encerclait le vase. 

Il y a toujours ce cercle de rouille. Même si on ne veut plus de la mauvaise odeur de l’eau des fleurs, la mémoire s’enroule. Le vase s’est éteint, table et toile sont remisées mais la rouille demeure.
  • 24.1.25

Les sirènes

On entend des sirènes par-dessus les toits,
nos regards tremblent par la fenêtre.

La brume du matin ne s’est pas levée,
il est dix-sept heures les sirènes passent.

Il faudrait ouvrir l’horizon avec un ciseau
pour apercevoir ce qui nous brûle au fond.
  • 21.1.25

C’est toi le fou

J’entends les choses murmurer,
conciliabule dans ma bulle. 

Les choses ne sont que des choses
à quoi parler sans crainte de réponses. 

La folie se tient peut-être ici,
dans cette paire de lunettes

posées sur la fin d’un livre ou
dans ce triste crayon de bois

qui semble me pointer du doigt
et penser : cher ami, c’est toi le fou.
  • 18.1.25

Ésotérique

À la table où je lis, la lampe
dans sa constance fait du livre
et de l’ombre des complices. 

Permanence soudain troublée
par un clignotement semblant 
craindre le pas des vers suivants :

« Une lampe déserte,
le paisible vestibule,
Et une ombre en éveil
Où se dresse le catafalque. »

Vers d’un Pessoa ésotérique
revenu d’entre les morts 
pour griller mon ampoule.
  • 12.1.25

Tableau inachevé

Chaque soir joue la même partition,
rapides notes blanches sur noires. 

L’ombre gagne en virtuosité
avec son air de tableau inachevé,

de traîne-misère en queue de pie 
comme si elle ne savait pas le retour 

du beau jour propre sur lui 
plein de notes bleues que l’on oublie.
  • 11.1.25

LECTURES 2024

Je ne sais toujours pas à quoi répond ce besoin de lister. Mais puisqu’elle est faite, voici la liste de mes lectures de 2024 :

JANVIER
▪️ Eugène Savitzkaya, Fou trop poli
▪️ Georges Perec, Un cabinet d’amateur
▪️ Georges Perec, Un homme qui dort
▪️ Samuel Beckett, Les Os d’Écho
▪️ Samuel Beckett, Soubresauts
▪️ Samuel Beckett, Peste soit de l’horoscope
▪️ Eugène Savitzkaya, la disparition de maman 
▪️ Céline, Guignol’s band I
▪️ Henri Michaux, La vie dans les plis
▪️ Franz Kafka, Lettres à Milena
▪️ Samuel Beckett, Comment c’est
▪️ Adeline Baldacchino, Ce que nous sommes lorsque nul ne nous voit 

FÉVRIER
▪️ Céline, Guignol’s band II (Le Pont de Londres)
▪️ Samuel Beckett, Quad, Trio du fantôme, Que nuages et Nacht and Traume, suivi de L’épuisé par G.Deleuze
▪️ Samuel Beckett, Catastrophe et autres dramaticules 
▪️ Samuel Beckett, Eleutheria 
▪️ Samuel Beckett, Cap au pire
▪️ Henri Michaux, Poteaux d’angle
▪️ Samuel Beckett, Comédie et actes divers
▪️ Georges Perros, Papiers collés 
▪️ Samuel Beckett, Tous ceux qui tombent 
▪️ Henri Michaux, Plume précédé de Lointain intérieur 
▪️ Henri Michaux, Ecuador 🇪🇨 
▪️ Diane Seuss, frank : sonnets (S.Huynh)

MARS
▪️ Henri Michaux, Ailleurs : Voyage en Grande Garabagne, Au pays de la Magie et Ici, Poddema
▪️ Georges Perros, Poèmes bleus
▪️ Henri Michaux, L’infini turbulent
▪️ Daniel Birnbaum, Rendre l’âme mais à qui ?
▪️ Georges Perros, Une vie ordinaire
▪️ Richard Taillefer, Les invisibles
▪️ Louis Raoul, Possibles lieux
▪️ Jules Supervielle, Gravitations
▪️ Brigitte Giraud, Toutes les nuits sont pleines de lunes 
▪️ Jacques Vandenschrick, Secours qu'appellent les chiens
▪️ Ysabelle Voscaroudis, Le rire de l’eau 
▪️ Henri Michaux, La nuit remue 

AVRIL
▪️ Henri Michaux, Qui je fus précédé de Les Rêves et la Jambe, Fable des origines et autres textes
▪️ Jean-Paul Dubois, L’Origine des larmes
▪️ Jules Supervielle, La Fable du monde, suivi de Oublieuse mémoire 
▪️ Henri Michaux, Passages
▪️ Estelle Fenzy, N’oublie pas
▪️ Georges Perec, L’infra-ordinaire
▪️ Tanguy Viel, Vivarium
▪️ Henri Michaux, Déplacements, dégagements
▪️ Olivier Cadiot, Irréparable 
▪️ Henri Michaux, À distance suivi de Annonciation
▪️ Dino Buzzati, Le Désert des Tartares 
▪️ Julio Cortázar, Façons de perdre
▪️ Henri Michaux, Donc c’est non

MAI
▪️ Samuel Beckett, Lettres I 1929-1940
▪️ Henri Michaux, Face à ce qui déborde 
▪️ Roberto Juarroz, Poésies verticales 
I-II-III-IV-XI
▪️ Henri Michaux, Face aux verrous
▪️ Thierry Roquet, D’ordinaires cascades
▪️ Alain Marc Guillaume, « I remember Clifford »
▪️ Henri Michaux, Chemins cherchés Chemins perdus Transgressions 
▪️ Henri Michaux, Moments, Traversées du temps
▪️ NORGE, Poésies 1923-1988
▪️ Henri Michaux, Misérable miracle, La mescaline
▪️Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes

JUIN
▪️ Henri Michaux, Les grandes épreuves de l’esprit
▪️ Émile Verhaeren, Les Campagnes hallucinées - Les Villes tentaculaires
▪️ Henri Michaux, Les commencements
▪️ Rodrigue Lavallé, Décomposition du verbe être 
▪️ Dino Buzzati, Le K
▪️ Sabine Huynh, Prendre la mer, 60 sonnets pour les boat-people 
▪️ Jules Supervielle, Le forçat innocent 
▪️ Henri Michaux, Connaissance par les gouffres
▪️ Vincent Dutois, Cadastre des misères 
▪️ Thomas Pourchayre, Du chaos et de la bonne digestion des choses
▪️ Eugène Savitzkaya, En vie
▪️ Victor Pouchet, L’option légère 

JUILLET
▪️ Eugène Savitzkaya, Exquise Louise
▪️ Vincent Dutois, Sèvre Eaux fortes
▪️ Antonio Moresco, Fable d’amour 
▪️ Sophie Mayer, La parricide
▪️ Blaise Cendrars, Du monde entier au cœur du monde
▪️ Jean Azarel, Trois couleurs mer
▪️ Lo Moulis, La vie blottie dans le désordre 
▪️ Alexandre Vialatte, La complainte des enfants frivoles 
▪️ Jon Fosse, L’autre nom / Septologie I-II
▪️ Henri Michaux, Choix de poèmes 
▪️ Cormac McCarthy, De si jolis chevaux
▪️ Derek Munn, Please

AOÛT 
▪️ Claude Roy, Poésies 
▪️ Charles Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett
▪️ Jacques Abeille, Les jardins statutaires 
▪️ Charles Baudelaire, Petits Poëmes en prose
▪️ Jean-Paul Sartre, La nausée
▪️ Alberto Moravia, Le Mépris
▪️ Maylis Besserie, Le tiers temps
▪️ Serge Prioul, Mirouault les murs seuls nous écrivent 

SEPTEMBRE
▪️ Pierre Gondran dit Remoux, Banc
▪️ Jean-Paul Sartre, Les mots
▪️ Charlotte Delbo, Prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants 
▪️ Violette Leduc, La Bâtarde
▪️ Jean-Paul Sartre, L’âge de raison
▪️ Anthologie 2024 Voix vives de Méditerranée en Méditerranée 
▪️ Federico Garcia Lorca, Poésie IV Suites et Sonnets de l’amour obscur 
▪️ Roberto Juarroz, Quinzième poésie verticale
▪️ Valérie Brantôme. On dit le temps
▪️ Jean-Christophe Belleveaux. Indigo c’est le titre

OCTOBRE 
▪️ Michel Dugué, Le Jour contemporain 
▪️ Joseph Roth, La rébellion
▪️ Jean-Baptiste Pedini, Un monde à nu
▪️ Roselyne Sibille, Une libellule sur l’épaule 
▪️ Jack Kerouac, Les clochards célestes 
▪️ André Hardellet, Donnez-moi le temps 
▪️ Jacques Roubaud, Octogone 
▪️ Jean-Paul Sartre, Le mur

NOVEMBRE
▪️ Georges Séféris, Poèmes 1933-1955 suivi de Trois poèmes secrets 
▪️ Jean-François Mathé, La vie atteinte 
▪️ Lionel Bourg, Les Montagnes du soir 
▪️ Jean-François Mathé, Vu, vécu, approuvé.
▪️ Lionel Bourg, L’obscurité
▪️ Benoit Jeantet, Rien qu’un cirque de puces
▪️ Gilbert Vautrin / Guy Lozach, De Plain-Pied
▪️ Philippe Claudel / Nicola Matula, La Mort dans le Paysage
▪️ Selon la houle, Michel Bourçon
▪️ Roberto Juarroz, Treizième poésie verticale 
▪️ Sabine Huynh / Philippe Agostini, Parler peau

DÉCEMBRE 
▪️ Lionel Bourg, Où se perdent nos pas
▪️ Cormac McCarthy, Le grand passage 
▪️ Jean Echenoz, Courir
▪️ Gabriel Garcia Marquez, Chronique d’une mort annoncée
▪️ Jean-Paul Sartre, Les mains sales
▪️ Lionel Bourg, L’étoffe des corps
▪️ Roberto Juarroz, Dixième poésie verticale 
▪️ Florence Saint-Roch, Cartographies
▪️ Murièle Modely, Tombée la nuit, jour neuf
▪️ Federico Garcia Lorca, Poésie II, Poèmes de Cante Jondo, Romancero gitan
▪️ Federico Garcia Lorca, Poésie I, Livre de poèmes, Mon village
  • 31.12.24

2024

Quand vient la fin de l’année,
on est tenté d’en faire un poème. 
Quels vers pour quelle trace
sinon celle blanchie sous nos pas ?

Sur un calendrier arbitraire
son nom est flanqué d’un ressort. 
On serait tenté de l’étirer,
d’en faire un joli macramé. 

Mais de raison on s’y refuse
de peur qu’il nous claque à la figure.
  • 29.12.24

Face à face

Face à face

On croise les mains sur nos genoux.
L’enfant sage en nous écoute les pas
que fait le silence sur nos visages. 

Un geste peut faire taire les ombres,
éclairer un œil ou nous tirer un sourire. 
On attend qu’il advienne, sages, enfants. 

Une main se lève. La mienne, la tienne ?
D’où qu’elle vienne, elle est le signal
qui nous délivre d’être, sages, enfants.
  • 18.12.24

Qui nous tient

Les mots me prennent, me laissent
à l’heure où descend la nuit 
et monte mon jeune voisin.

Six heures, je me lève,
lui se couche
dans le lait caillé du matin.

Est-ce encore le même temps
qui nous tient ?
  • 16.12.24

La femme au balcon




La femme au balcon
suivi de À la rue 
Tarmac Éditions 

La femme, bien qu'installée au balcon d'en face, est proche de ma fenêtre. Seule la rue, étroite, nous sépare, si bien que j'ai l'impression qu'elle apparaît dans mon salon. Je la ressens, je tourne la tête vers la fenêtre et elle est là. Comme un fantôme familier soufflant dans le petit matin sa buée de nicotine sur mes carreaux.

**
Heureux enfin de l’avoir dans les mains. 🙂
Le livre est disponible en librairie ou sur le site de l’éditeur que je remercie une nouvelle fois chaleureusement.



  • 13.12.24

Des fois que

Je regarde à la fenêtre tomber la pluie, petites lignes qui s’étirent avec plus ou moins d’élégance.

Elle part, revient.  Je ne peux rien en retenir.
De sa rectitude béate, de sa fraîcheur, de son odeur aigre, je me repais.

Et si je dis qu’elle manque d’élégance, c’est pour qu’elle revienne, vexée, parler à ce qui pleut en moi.
Des fois que l’on se comprenne.
  • 7.12.24

La femme au balcon

Il y a un calme étrange ce matin sur les balcons. La chaleur n’est pas encore arrivée. Chaque fenêtre peu à peu s’éveille, étire ses longs volets comme on le fait de nos bras. Et ça craque. On entend les os de la rue se déboîter. Ici une épaule grince, là on joue des coudes pour bien démarrer la journée. Certains lèvent la tête au ciel pour aller cueillir le bleu qui dissipe les dernières poussières de nuit.
Il fera beau aujourd’hui. Beau et chaud.
Tu n’es pas en reste avec cette quiétude des premières heures. Tu es assise dans ta cuisine, les mains posées à plat autour de ton café, le buste droit. Je pense un instant que tu me regardes mais ce sont tes pensées que tu cherches à rassembler dans tes yeux vides. Il faudra remplir le jour, réunir réalité et rêve dans un même sac. On dirait que cela t’angoisse malgré le calme, malgré le ciel bleu.
Il faudra encore déplier un peu les bras pour sentir la vie.

La femme au balcon, Tarmac Éditions, à paraître le 12 décembre 👇
  • 5.12.24

Il en aurait fallu de peu

On a commencé par parler 
du temps, des soleils 
qui n’en finissent pas,
des astres dégingandés. 

Puis de la pluie qui ne vient pas 
et des rigoles sèches 
que ça fait à la terre
et sous nos yeux. 

De là on a regardé glisser
les rides sur nos joues,
esquissé un sourire triste 
en montrant l’éclat de nos dents. 

Il en aurait fallu de peu
qu’avec ce peu on s’aimât.
  • 30.11.24

J’ai le froid qui passe par les pieds.

J’ai le froid qui passe par les pieds. 
Au fond du lit la mémoire veille,
ressasse et tord des refrains d’enfant. 

La neige que j’ai dans la tête goutte 
sur mon ombre qui compte, une à une,
chaque chose tombée ou qui tombera.

J’ai le froid qui passe par les pieds,
au-dedans les souvenirs en garde-corps. 
J’essaie le reste de la nuit comme un oubli.
  • 24.11.24

Trop vite

Le jour a des impatiences
dans les jambes et les mains
serrées sur le cœur.

Il faudrait faire craquer
les courbes du ciel,
revoir le pays des orages
les prendre en espérance,
retrouver la sortie
dans le petit couloir de lumières
qu’il nous offre.

Mais tout court trop vite
dans nos corps endoloris
pour dénouer la parole
qui nous monte à la gorge.
  • 20.11.24

Obscur

J’éteins la lumière
comme si je soufflais
sur un reste de bougie.

Avec la même perte,
la même fumée noire
qui prend à la gorge.

La nuit dans la bouche
et dans mon regard, 
le souvenir de la flamme.

C’est là que se tiennent
deux trois mots obscurs
qui se disputent un poème.
  • 17.11.24

Un peu de nuit

Il reste un peu de nuit collée à la fenêtre. Une ombre tenace menace au fond de l’œil. 

Le jour éclate en petites bulles de vie. Persuadé d’être le plus grand, il est cette âme d’enfant qui croit à l’infini. 

Un chien renifle derrière la vitre. Sa truffe crée la buée, chasse l’ombre. On aimerait lâcher tous les chiens pour retrouver la lumière.
  • 15.11.24

Dernier verre

L’arbre me fixe dans son remuement.
Une blessure s’ouvre, balance des mots
par-dessus l’automne.

Je lui offre ma table, une nappe propre pour ses pensées, un reste de vieux vin à peine piqué
et l’invite à souper sous les arabesques que dessine l’arbre dans le couchant. 

Le vent se pose. Le dernier verre est pour nous, envahis comme un éclair d’été. 
  • 7.11.24

De puits en lacs

Je cherche un langage commun
sur le mur que soudain le soleil éclaire.

Les mots vont d’eux-mêmes,
de fissures en craquements,

de puits en lacs,
malgré moi, l’entrave et l’ombre.

Libres de toute grammaire,
ils crient de tout leur sens.

Langue en partage, depuis moi
l’autre, le mur et la lumière.
  • 2.11.24

D’un bord à l’autre

Le temps roule dans la rue
au son des butées mécaniques,
écho contre écho entre les murs.

L’après-midi est presque nuit,
j’habite une petite ombre
la ville ouverte à mes pieds.

Je prends un livre, le quartier 
puis le monde – maintenant
tout roule en automatique 
d’un bord à l’autre de la pluie.
  • 30.10.24

Je te parle d’un temps

Je te parle d’un temps où l’on prenait les photos au format paysage. La terre était horizontale et on stabilisait l’horizon comme on pouvait.

On avait les coudes sur la table, le nez qui coule et les idées dans nos cheveux semblaient des oiseaux. On développait nos clichés une fois par mois et on jetait plus que l’on ne gardait. On se prenait pour des voleurs de couleurs. 

Je te parle d’un temps avec lequel on fait aujourd’hui des poèmes. Ils sentent bon la poussière et l’eau de Cologne bon marché. Parfois, ils puent le manque.
  • 27.10.24

Tenter de comprendre

Le jour traîne des pieds.

Il faudrait apaiser la mémoire,
tenir l'oubli comme une promesse,

faire silence de tous les bruits,
en appeler à l'oiseau de passage :

de lui, tenter de comprendre
l'envol et la suspension,

pour soulever la poussière
qui colle à nos souliers.
  • 25.10.24

À vos souhaits

On fréquente le ciel 
depuis tellement de temps,

depuis tellement d’espaces
dépliés à nos yeux ahuris

qu’on en vient à oublier 
que souvent on le perd de vue,

comme aujourd’hui,

penchés que nous sommes
sur ce pauvre matin qui éternue.
  • 20.10.24

fut-il.net