à quatre pattes
23.6.11C’était un grand gaillard à la mine patibulaire, toujours il arpentait les trottoirs le regard droit, le feu dans les pupilles. Qui le croisait changeait de trottoir, rien n’invitait à la rencontre cordiale. Il jouait à faire peur par une démarche chaloupe qui lui donnait une envergure de gorille en rut. Difforme et graisseux, ses cuisses jouaient d’un frottement de peau un tempo d’ogre tandis que ses bras en avant balayaient le passage et dansaient en contrepoids de ses épaules charpentes. Il parcourait ainsi la rue toute la journée, raclait le trottoir de la pointe de ses pieds, ses panards comme des palmes claquaient le pavé pour débusquer je ne sais quel trésor enfoui. Parfois, on le voyait, au loin, toujours au loin, agité et à quatre pattes dans le caniveau, semblant renifler le bitume et jonglant d’une patte sur l’autre comme un animal à l’affût de sa proie. La parade durait quelques minutes puis il se relevait et tapait des poings sur son torse dans un cri de fureur. Il balayait ensuite l’entourage en nous envoyant droit dans les yeux un rictus forcé qui plissait ses joues et dévoilait ses dents jaunes pourries. Il s’esclaffait dans l’élan comme pour se moquer copieusement de son auditoire puis disparaissait en courant.