En vibreur
24.2.13
Quand ça sonne, toujours les yeux tournent sur la mention qui s’affiche, c’est pas Inconnu, ni Masqué, c’est bien ça le problème, c’est bien ça qui résiste, qui hésite, je sais qui m’appelle, je sais que c’est toi, je sais les sonneries dans le vide, je sais la lassitude et le message qui sera déposé après le bip sonore. C’est parce que je sais trop que je ne réponds pas ; je suis en vibreur, je suis en voiture, je ne pouvais pas décrocher : j’avais piscine.
Quand tu sonnes, c’est qu’un bon mois s’est écoulé sans nouvelles, sans que tu ne puisses savoir si ici je vais bien avec ce froid, cette chaleur, cette pluie, ce gris, ce clair ; s’il fait beau, si mon travail se passe bien, si… Non, c’est tout, pas plus, le temps, le travail, la santé. C’est là ton important de savoir, ton nécessaire vital : prendre des nouvelles basiques et réconfortantes car je suis si loin, si étranger, si coupé, si incompréhensible. Alors, il y aura Allo, puis C’est maman, puis Rappelles-moi quand tu auras le message.
Quand tu vibres, notification rouge sur l’icône Appels manqués, rien ne me presse de savoir, et le temps qu’il fait chez toi, et les rhumatismes qui gueulent, et les mortes amies qui tombent autour de toi, et tes silences gênés de ne pas pouvoir me faire parler. Peu me chaut ta lutte, tes idées engoncées de vieille dame, ton amour dégonflé que j’entends ronronner une fois le combiné raccroché.
Quand enfin je me décide et tape Maman sur le téléphone, je mets en apnée les quelques secondes de sonneries puis je joue à t’écouter, haut-parleur activé. Tu décroches et je souffle sur les mêmes mots débités en séquences cadrées et galvaudées. Deux ou trois minutes de toi avec quelques aspérités de vie sur lesquelles on va s’accrocher pour de faux, pour de vrai. Des bisous de fortune seront échangés, par l’écouteur parasités et la discussion sera oubliée dès la tape sur Terminer. Mise en vibreur.
A noter le nouveau tumblr d’Alban Orsini : Avec maman. (Bien plus drôle que le texte ci-dessus ^^)