Et hop !

26.9.09

image [ Suite de Mother shopping ]
Est-il nécessaire que j’accepte cette invitation puisqu’elle est un ordre ? Je n’ai d’ailleurs pas le temps d’acquiescer ou de me rebeller que les deux drôles de dames poussent sauvagement le caddie pour regagner la voiture. Ma mère continue de bougonner sur le monde qui afflue dans les allées d’Ikéa et ne manque pas de faire remarquer le peu d’amabilité du magasinier jaune et bleu. Cette bonne ambiance nous amène jusqu’au parking.

Les deux lourds cartons bien calés dans l’auto, une question existentielle se pose. Une interrogation à laquelle je ne pensais pas faire face : « Prenons-nous la voiture ou le tram ? ». Discussion, tergiversation en tout genre, soupir, expiration, grattement et hochement de tête, la tension monte d’un cran : vais-je tenir jusqu’à la fin de la journée ? Je m’écarte un peu des deux harpies agitées et mâchouille nerveusement mon freedent no smile à m’en faire péter les mâchoires.

«Ça sera automobile à chevaux vapeur ! » déclame maman qui tranche et clôture ainsi le débat. Ni une, ni deux, je chope les clés de sa voiture planquées dans son sac, m’engouffre à la place du chauffeur. Je tourne d’un coup sec la clé de contact et je fais vrombir la bête appelant ainsi le duo de hyènes en proie à un shopping cocaïne.

Dix minutes plus tard, nous voilà, sur l’escalador – non, escalaTor avec un T comme Thérèse, maman ! - d’un centre commercial répondant au doux nom de Polygone, comme si la matinée n’avait pas été assez angulaire. Trois étages de boutiques prêt-à-porter à 99% féminines nous attendent les bras ou plutôt les portes ouvertes. Monter, descendre, tourner, virer, entrer, sortir, sourire. Et hop ! EscalaDer, s’asseoir dix secondes, se relever, s’appuyer contre les rampes, se redresser, sourire. Et hop !

Maman est comme un poisson dans l’eau. Elle se déplace prestement et glisse sur le sol d’une boutique à une autre avec une décontraction remarquable. Elle farfouille, trie, peste contre les textiles trop fins, trop épais, qui tombent mal, qui ne sont pas beaux. Mais qui porte ça ? Ils n’ont pas honte de vendre des trucs pareils ! Maman m’explique sa quête au fur et à mesure de ses découvertes de chiffons. Le sacré graal s’incarne dans un pantalon léger blanc qui ne se froisse pas mais qui doit contenir un peu de lin mais pas plus de 20%. Le reste de la frusque peut se composer de laine mais pas trop sinon c’est fragile. Le mieux serait qu’il y ait une bonne partie de coton… Je regarde l’heure. Trente secondes que je ne l’avais pas fait. Deux heures déjà que nous déambulons, nous informe ma sœur. Alors que nous avons arpenté en long et en large les trois niveaux du centre, les deux shopping-girls en transe n’ont rien acheté ! 

17h30, je redécouvre enfin le ciel et sa lumière. Qu’il fait bon de respirer ! J’ai mal aux jambes, aux pieds, à la tête ! J’ai bouffé toutes les allumettes que j’avais dans mes poches. Ma sœur allume nerveusement sa gauloise blonde et maman nous explique que de toute façon, on ne trouve jamais rien à se mettre dans ses magasins. 30000 m2 de boutiques en tout genre pour plusieurs centaines de tonnes de vêtements : une certaine idée du vide dans l’opulence de nos vies.

Photo : Ed

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