Cassandre la web-dreameuse (4)
29.3.10[ Cassandre la web-dreameuse (3) ] Un clic et la voilà ailleurs, dans un espace bien agencé, accueillant, elle sent presque de la chaleur dans ces pages. L’auteur de ce blog soigne son écriture. Les mises à jour sont fréquentes, les compositions abouties et les histoires racontées touchantes. Son cœur de midinette commence à s’affoler. Elle décèle une sensibilité hors du commun dans les textes de ce jeune homme. Jeune ? Elle ne connaît pas l’âge du blogueur, ni même son visage ou son parcours. Etrangement, le profil reste muet. Un pseudo et une photo représentant une ombre en haut d’un escalier renforce le mystère. Les billets sont nombreux et très commentés. Une kyrielle de blogueurs l’accompagne tous les soirs et de nombreuses conversations fournies jaillissent des commentaires. Alvin parle de la vie avec philosophie tout en restant secret sur ses propres expériences. Personne n’a l’air vraiment de savoir qui il est, à part peut-être quelques-uns qui, au fil du temps, ont fabriqué leur propre image.
Cassandre consulte toutes les pages du blog, à la recherche d’un indice, d’un contact, d’une biographie détaillée qu’elle n’ose espérer. Aucune adresse mail n’est mentionnée, pas de profil facebook, ni de compte twitter ne sont présentés. Elle lance des recherches sur Google. Avec un pseudo comme seul critère, elle déroule des centaines de pages mais ne trouve pas de correspondance. Elle obtient inlassablement les mêmes résultats composés des billets déjà lus du blog d’Alvin ou des invariables chroniques d'alvin le faiseur. Le plus simple serait de laisser un commentaire pour l’inviter à prendre contact ou l’inciter à déposer en retour un mot sur son espace. Mais Cassandre n’y arrive pas. Bizarrement, elle qui habituellement fait preuve d’une large spontanéité dans ses échanges virtuels bloque sur cet énigmatique blogueur. Quelque chose d’irrépressible, comme une torpeur momentanée, comme si sa vie dépendait des quelques mots glissés sous un de ses billets. Elle décide finalement de lâcher prise et de laisser faire le cours des choses. Le petit réseau qu’elle a réussi à se forger en quelques mois lui suffit amplement. Elle trouve réconfort, amitié virtuelle auprès de personnes bien identifiées et ce n’est pas un visiteur muet, aussi séduisant soit-il, qui va déranger et bouleverser sa vie numérique. C’est en ses termes qu’elle essaye de s’en persuader.
Malgré cette tentative de renoncement, Alvin demeure présent dans la vie de Cassandre comme un trublion qui s’immisce constamment dans ses pensées. Il est désormais lourdement installé dans sa tête, excitant ses sens par sa paradoxale inconsistance. Lui, le chimérique, l’impalpable, le furtif soulève inlassablement son cœur comme le ferait une idole inaccessible. Il imprègne ses mouvements, ses paroles et envahit peu à peu son esprit embué. Dés son retour de la fac, Cassandre ne pense plus qu’à une seule chose. Allumer son notebook et le rejoindre. Retrouver le flux de ses mots comme s’ils représentaient des bras puissants capables de l’apaiser. Cet attachement s’est définitivement scellé lorsqu’elle a découvert que la tournure de son blog avait changé. Les billets ont subitement fait référence à un nouveau personnage alors qu’Alvin se contentait jusqu’alors d’une prose généraliste sur nos flottaisons existentielles. Ce personnage appelé C. s’est installé insidieusement dans la trame du blog d’Alvin. C. comme Cassandre.
A suivre…
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