A la Bernina

14.6.10

 Colombine à la Bernina

A la Bernina, elle cousait du fil noir pour une histoire qui, elle, était cousue de fil blanc. Une fête était donnée le soir et une jupe écossaise elle promettait de confectionner dans l’après midi. Coudre elle maîtrisait, disait-elle, mais face à la machine revêche, elle savait aussi moudre de sa langue de vilains mots putassiers. Elle disposait, à ne pas en douter, des aptitudes nécessaires pour coudre et de quelques entrechats de phalanges, disposition à résoudre le problème complexe de l’entrée dans le chas, mais ne parvenait pas à dissoudre pour autant la poudre d’escampette que la sale bobine de fil s’évertuait à prendre. Tire sur la chevillette et la bobinette cherra ! Et pour tomber, elle tombait. Fil tendu de la piqueuse à la bobine, support branlant de la vieille machine, dés la mise en fonction, les premiers martèlements vrillaient la bobine qui chutait inexorablement. Et la jupe, encore vulgaire étole tartan, attendait patiemment les surpiqûres qui lui donneraient vie.

Et la machine de toussoter par moments puis de se taire, laissant la place à l’agacement verbal de la roturière couturière. Caler la bobine sur son support, fil supérieur à enfiler dans l'aiguille, fil inférieur à remettre dans sa canette et actionner à nouveau. La table vibre, la machine éructe quelques mouvements sporadiques, le temps de deux ou trois miraculeux points arrachés à ses velléités contrariantes. Et ainsi de suite, par salves désordonnées, les coutures se sont frayées un chemin entre les carreaux du tissu. Improbable mission qui, au fil de sa réalisation, a effacé les bougonnements de la couturière pour lui octroyer sourire conquérant et jupe écossaise parfaitement taillée pour aller danser.

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