Me voir dans un abysse.
21.7.10M’est venue l’idée grotesque d’un œil, le mien, sorti de son orbite, toujours relié à de supposés longs nerfs optiques pantelants. Juste extrait de sa cavité à l’aide d’une petite cuillère. Le tiendrais pressé du bout de mes doigts - corps spongieux, ovoïde et sanglant - comme une petite caméra directement reliée à mon cerveau. Le manipulerais avec soin, le ferais tourner à 360*. Espion, il fourragerait partout, distinguerait des recoins inattendus, capable de voir l’infiniment petit grâce à un angle de vue jusqu’alors impossible. Zoom au possible, flou novateur. Hormis la vision atroce d’une telle mutilation, quelle image m’offrirait cet œil dégoupillé ? D’autant que son voisin toujours en activité dans son creux, bien en place sur ma face, conserverait son droit optique et me renverrait une image ordinaire, à peine serait-elle tronqué de moitié ; alors que l’autre proposerait mon portrait comme quelconque miroir le refléterait. Mise en abîme effroyable, verrais mes doigts tenir un œil sanglant tandis que, simultanéité de vue, se projetterait dans mes synapses remuées un faciès horrifié par un globule à la pupille dilatée. Miscellanées psychiques inimaginables pour une image gouffre. Et les canaux visuels de s’emmêler les veinettes, l’œil au bout de mes doigts, comme me voir dans un abysse.