Still loving you
24.9.10Au fond de la salle, prés de la sono, les haut-parleurs dans les oreilles, je roule des pieds, les tapote légèrement sur le tempo. Un gobelet de « Banga » exotique dans une main, une assiette plastique avec une tranche séchée de « Savane » dans l’autre, je la regarde danser sur le dernier titre des « Bananarama ». Face et autour d’elle, se trémousse une armée de prétendants pédants, ils guident leur pas sur les siens, parfois la prennent par la taille pour la faire tourner. Ils rient et la font rire à gorge déployée. Couvert par la musique, je trouve son rictus muet idiot et cette cour de garçons zélés stupide.
Je baisse le regard et tombe sur mes pieds affublés d’une paire de « Stan Smith » neuve, trop neuve. Le stroboscope et le néon violet font ressortir leur blancheur éclatante si bien que j’ai l’impression d’être chaussé d’ampoules cent watts. J’ai terminé mon verre de jus de fruits mais ne sais pas où le poser. Je finis par le jeter derrière le gros haut-parleur et l’écrase avec un grand coup d’ampoule juste au moment où la musique s’arrête, à la faveur d’un enchaînement raté du disc-jockey. Un grand bruit de plastique crevé s’élève et tous les regards se braquent sur moi. Je sens mon visage s’empourprer, j’ai l’impression qu’ils regardent tous mes pieds. Je veux fuir mais je suis sauvé par l’arrivée des slows.
« Scorpions, Still Loving you » Les couples se forment rapidement, la lumière se tamise. Elle s’assoit côté droit, le côté des filles. Sur le bord de sa chaise pliante, elle bascule, elle attend l’invitation. C’est à moi de jouer. Je frotte mes pieds sur le contre-fort de la petite scène pour salir mes baskets et me jette dans l’arène. Je m’approche, essuie mes mains moites sur le cul de mon jeans « new man » et lui tends mon bras courbé sur ma hanche, comme Dany Wilde dans « amicalement vôtre ». Elle passe sa fine menotte dans l’arche et je l’emmène crâneur au centre de la piste.
J’enserre sa taille tandis qu’elle m’enroule le cou. Je n’ai jamais été aussi prés d’elle, j’en ai les « Stan Smith » qui s’embrouillent et lui marche plusieurs fois sur les « Kickers ». Elle sourit timidement, ça me réconforte. « I'm still loving you I'm still loving you, I need your love I'm still loving you » Le refrain m’excite les neurones et j’accélère le pas. Elle me retient, me fait ralentir et tire sur mes épaules pour nous rapprocher. Elle entrouvre sa bouche et laisse glisser un bout de langue sur ses lèvres. Je presse un peu plus sa taille, descend mes mains lentement sur ses fesses puis j’attends deux tours sur place pour guetter la réaction.
« Time, it needs time To win back your love again. I will be there, I will be there. » Son petit cul est maintenant dans mes paumes et son sourire donne du brillant à ses yeux. Enlacés, nous ne tournoyons plus que sur un pied. Nos têtes pivotent, mais dans le même sens. Nos nez se choquent, je souris, enfin. Je lui fais signe que je vais à droite, elle va à gauche. Sa bouche s’ouvre, se pose sur la mienne et sa langue tape mes dents. Je desserre mes incisives de mon angoisse et laisse pénétrer l’intruse. Je plonge à mon tour, m’éraille les lèvres sur les bagues en fer de son appareil dentaire, évite les petits manchons plastiques et nous commençons à tourner dans nos bouches comme on bat le beurre.
Le slow se termine et nous tournons encore nos langues fiévreusement. Je ne veux pas arrêter. Je redoute nos regards après cette première pelle. Il ne faut pas arrêter. J’ai les commissures des lèvres en feu, de la bave coule sur ma joue. Elle finit par se retirer. Dans un bruit de siphon, nos bouches se décollent et nous restons un instant reliés par un fil de salive. Nos yeux se gênent, se détournent puis se cherchent à nouveau. Elle me prend la main et me traîne vers les toilettes sur les premières mesures de « Careless whisper ».