Ne rien entendre
6.10.10Roulé en boule au pied du lit, les mains en garde-fou sur les oreilles, je me serre genoux dans le visage, ferme les yeux. Prostré, tétanisé, je cogne ma tête aux barreaux, je veux que ça cesse, croire que ma position va m’isoler dans un autre monde, celui où je n’entendrais plus.
Je serre les dents mais j’entends toujours, vociférations mâles morcelées de pleurs stridents et convulsifs. Je cherche le moyen de couper, d’échapper à l’effroi que la dispute excite dans mon corps. Aigus puis graves, les voix se crèvent d’un silence trop long pour toucher et marquer au fer blanc. Le mutisme était trop lourd, plein de vide parasite ; maintenant, il déborde, éclate en humiliation, se change en oppression, s’arme de la persécution des mots. L’ego est en branle, tout pour soi. Ne rien lâcher. Les raisons ont chacune leur camp, se défendent, s’expédient en pleine figure hurlante et rebondissent de bouche en bouche, viles et claquantes. Les coups, des coups de verbes aux arêtes tranchantes, aux infinitifs éructés, doivent faire mouche à chaque saillie. Anéantir est le but, creuser les fautes, renvoyer les balles malignes, se faire saigneur d’abcès déjà purulent.
Je ne voudrais rien savoir de tout cela ou juste ne pas comprendre, ne rien entendre et c’est eux qui ne saisissent rien et c’est eux qui sont sourds. Sourds de moi, emportés dans la colère, perdus dans leurs contradictions, coupés d’eux-mêmes. Qu’ils partent, qu’ils assument leur haine, et déplorent leur amour défunt !
Sur le carrelage froid, ma joue humide et rouge cherche l’enfouissement, mon corps se noue fœtal. Je voudrais disparaître, ne plus être le fils, ne plus servir d’excuse à cette illusion de famille.