Tu parlais peu
12.12.10Tu assénais quelques mots, toujours les mêmes, les plus faciles, ceux qui tu avais reçus comme un guide éducatif. Fais pas ci, fais pas ça. Des mots droits et tendus que toi, le père, jugeais importants. Tu me les disais, redisais, hurlait. Une rabâche qui masquait l’essentiel : les mots qui savaient soulager, toi, moi, nous. Dans les soupirs, tu aurais pu les glisser, les faire descendre jusqu’à nous. Tu aurais pu nous apaiser. Mais voilà, tu parlais peu.
Toi, le rural, bien installé sur tes épaules carrées reposait le poids de tes mots sourds. Tu les évitais avec tourment lorsqu’ils roulaient jusqu’à ta bouche et allumaient tes yeux d’un rouge de honte. Ils te rongeaient de l’intérieur, jouant à faire des nœuds dans ton ventre. Les mots sont vils quand ils sont tus. Ils torturent bien plus que les colères libératrices. Les tiennes surfaites n’étaient que de simples ponctuations exacerbées reçues en héritage. Jamais, tu ne les auras sortis. Mais voilà, tu parlais peu.