Boue
30.1.11Je ne distingue plus l’angoisse de la gêne, la peur de l’embarras. Ne sens plus mon corps, instinctif et transparent, j’évolue désormais dans un magma, une fange lourde à mes pieds. Je marche. Du noir ou du blanc. A l’aveugle, qui perçoit encore la lumière. A droite ou à gauche. Sans but ni direction que je ne puisse identifier. Dans ma tête, martèle un anathème lancinant. Imprécation de l’au-delà, retour à des valeurs prieures. Un glas pour l’homme sur les tempes rouges du blasphème. Je marche. Mon corps en parenthèses, l’âme cuisante sur le bûcher de mes pensées veules. A l’intérieur, tout semble se repentir, de déambulation impie en chemin de croix, Dieu me rattrape et moi, je m'enterre.
Boue gluante sous mes pas, fragile surface glaise couleur chair de ma peau qui fond sur la route. Désincarnation en coulée. Du chaud ou du froid. Plus aucune sensation vivante. Je marche. Perds connaissance, de moi, du monde autour. Consistance flasque de mon existence, j’évacue dans un amas liquide toute espérance terrestre. D’âme ou de chair. Je marche. M’enfonce jusqu’aux genoux, pris au piège de sables émouvants, captif de mon corps en dissolution de sentiments. Le tocsin dans mon crâne évidé persiste à battre une mesure qui assomme ma force et noie mes efforts d’absolution. Je ne marche plus. Je m’enterre. La bourbe jusqu’au cou, en suffocation nerveuse et imploration vaine, je disparais.