Le dimanche
9.1.11Le dimanche, frais et rasé de prés, le bleu de travail à la lessive, il descendait l’escalier habillé comme un dandy, pantalon en tergal bleu, chemise blanche et veste croisée aux boutons clinquants. C’était son jour de parade dans le village, jour où il était bon ton de pavoiser en société, de traverser les allées le regard haut parmi ses concitoyens. Tous faisaient de même, il fallait fêter ce jour, le seul de la semaine qu’il était autorisé de chômer parmi les autres faits de labeur agricole harassant.
Il sentait bon, un parfum musqué à bas prix mais c’était son odeur du dimanche. J’aimais la fragrance qu’il laissait dans la maison lorsqu’il était sorti. Il partait vers onze heures, un tour sur les quais pour flâner, prendre la tension du jour et se remplir des rumeurs dominicales. Après un arrêt au tabac, son paquet de gauloises et le midi-libre sous le bras, il prenait la direction du café pour l’heure de l’apéro. Un pastis léger pour commencer. Avec les copains endimanchés, il devisait sur la semaine, l’avancement de ses travaux, les vendanges prochaines et les récoltes qui périclitent. Sur son tabouret, au bout du zinc, il était dans son élément. Les copains autour de lui, les verres jaunes de moins en moins légers, les cacahuètes et les olives noires en soucoupe, le monde se partageait sur le comptoir dans la fumée opaque des cendriers qui débordent.
Vers treize heures, avant de rentrer à la maison, il passait au PMU. Un clin d’œil à la demoiselle qui valide les tickets, puis il jouait le quatre, le cinq et le quinze, ma date de naissance ; invariablement, toutes les semaines. Il ne gagnait jamais. Peu importe, c’était sa façon de passer le dimanche avec moi.