Pensées
12.2.11Les pensées s’entrechoquent. Les internes, courbes et torves viennent tarauder l’esprit faible tandis que les autres, les externes, droites et fières, veulent ouvrir le monde, regarder loin et dégager les premières, ne plus leur laisser place pour agir. Il y a le moment où les deux se rencontrent, s'apostrophent, se déchirent pour en découdre. Elles jouent des coudes, n’hésitent pas à se lancer des piques dans le cœur. Elles n’ont qu’un seul but : occuper le terrain, s’imposer et se déclarer pensées principales.
Les internes, oui, celles du dedans, dans une mièvrerie répugnante, agissent sur les blessures, sur le besoin d’être, de rêver encore un possible qui s’évanouit. D’autant plus coriaces qu’elles savent la tâche ardue, elles ressassent, repassent de vieux films en noir et blanc, essayent de toucher le point sensible qui active de vieux démons, exacerbe l’imagination maligne propulsant l'image de corps aimés disparus. Impossible à supporter. Les externes, elles, s’affolent, hissent le drapeau blanc, chassent par la lumière les pensées trop près et les illusions défuntes mais elles se heurtent aux charmes obliques qui reviennent sans cesse flatter l’innocence, enjôler la crédulité et réveiller l’espoir déchu.
Aucunes n’arrivent à vaincre. La bataille s’étire, fourbit les neurones, excite puis apaise, réjouit puis désole, le tout déborde infini de mots à contre-sens, de vérités fausses en mystifications sincères.