La voix
12.5.11Du dimanche matin, quand je reste seul encore à dormir, l’entendre qui me réveille s’élever du rez-de-chaussée, de la rue même peut-être, de l’autre bout de la ville va savoir. Elle est chargée de testostérones, rauque et puissante, enjouée du jour aussi. Ne pas comprendre ce qui se dit, ce qui se hurle dans ces beuglements d’adulte, l’accent qui chante en notes herculéennes, mais reconnaître entre mille, qui le dit, qui le hurle sans le vouloir. Voix mal maîtrisée qui porte haut et ne connaît pas la sourdine. Voix qui, si l’on s’en tient à son volume, semble gronder au ciel, éclatement de l’air, tonnerre des dieux en couverture ronflante à toute autre parole qui s’étouffe en filet doux, qui s’oublie, qui se tait. Derrière mes yeux mi-clos, reconnaître le personnage altier, tout aussi robuste que son bagout est fort, l’armoire sur pattes, des épaules en poutrelles, la tête aux joues de veau, le cheveu gras clairsemé, le costume bleu dominical taillé sur-mesure. Et s’apaiser sur le sourire large qui écarte sa bouche criarde, la bonhomie qui s’en échappe, le phrasé qui s’emballe, les tapes dans le dos qui accompagnent la ponctuation, la légèreté insoupçonnée de ses bras cuissots qui enlacent et le bonheur qui se dégage de ses vocalises de ténor. Se lever enfin pour le voir, pour l’entendre gâter mes oreilles de soleil et embrasser le jour.