Cabane
6.6.11Pas comme les autres, le Cabane. Il pointait sa différence sur les quais, tous les jours, raclant le sol de ses sandalettes nu-pieds, les jambes torturées par des genoux déviants. Une démarche de guingois, le Cabane, l’œil faussement torve qui biglait les traverses, il claudiquait le sourire aux lèvres cherchant l’appui d’un regard. Un hochement de tête en pendule de ses pieds rebelles, il ballottait de droite à gauche si bien que le croiser relevait du défi, toujours en fuite du bon côté à prendre.
Bonjour ! criait-il, le Cabane, dés qu’il apercevait un passant au loin, quelqu’un qui allait croiser sa route d'aventures boiteuses. Il prévenait ainsi de la rencontre qui allait s’opérer, signalant sa présence comme une corne de bateau annonce son arrivée au port. Quelques mètres encore d’échange de pas, de bifurcations incertaines, d’œillades furtives et dés que franchie sa sphère, sa ronde intime atteinte, il s’agitait, le Cabane, bousculade des sens, rouge aux joues et nerveusement il cognait sa tête vers la bonne voie à emprunter.
Une fois les chemins décroisés, les ensembles intimes décollés et la tension du moment évanouie, il se retournait joyeux de la rencontre, le Cabane, heureux de la collision évitée, rassuré d’avoir échappé à la gêne et au regard cabot qui pointe l'impotence. Il s’arrêtait alors un instant, le Cabane, les jambes en vrille et les mains sur les hanches, et jetait à grand cri un au revoir radieux.