Le dernier jour #VasesCommunicants

1.7.11

Le dernier jour #VasesCommunicants (@louise_imagine)(photo : @Louise_Imagine)

Le curieux souvenir des derniers jours d’école hante encore mes voyages nocturnes et cauchemardesques. Tout bien récupérer, les cahiers écornés aux pages déchirées, les crayons mâchonnés jusqu’à la mine, les bouts de gomme bleutés par les taches d’encre. Engloutir une année de feuilles gribouillées et de petits outils scolaires qui ressemblent aux instruments de torture du dentiste. Oui, tout fourrer dans son grand sac US, sans forme ni couleur.

Regarder une dernière fois ce pupitre, les gravures façonnées avec minutie à la pointe du compas, après-midi après après-midi. Relire les blessures voisines pour les inscrire profondément dans les petites cases de la mémoire.

Sentir une dernière fois les odeurs de bois du parquet, des couches de craie mal effacées du tableau aux dégradés de gris anthracite mêlées aux derniers effluves d’une année de transpiration enfantine.

Regarder cette épouvantable estrade, ce piédestal inhumain qui a vu danser des générations d’instituteurs et institutrices. La voix porte loin lorsque l’on est là-haut. Le regard surplombe. La grande âme domine et surveille par ses jets de regards noirs. Mais quand on est petit, on est tout petit sur l’estrade. Coincé seul entre le tableau et le grand bureau surélevé par l’accumulation de connaissances, face à tous ces petits yeux goguenards qui attendent la sentence, qui attendent que les larmes de l’accusé imbécile coulent le long de ses petites joues rosies par la peur. La peur d’avoir oublié sa leçon, la peur de ne pas réussir, la peur du courroux de son maître. Être jugé là, sur le champ, au moindre faux pas. Attendre que les sourires des petits soldats se transforment en éclats de rire. Ne pas pisser dans son froc de peur d’être encore plus maudit par la foule. L’estrade, la guillotine scolaire. Solide mais craquante à chaque pas. Le lieu du spectacle.

Le dernier jour d’école, celui que l’on attend le premier jour d´école, le jour de la rentrée. Celui où l’on défait tout ce que l’on a fait.
Le dernier jour d’école, le premier jour des vacances.

Rêver de s’extraire de ce monde, pour en retrouver un autre. Chercher une liberté, prendre une route et camper là où l’on pourra s’échouer. Et puis rêver de nouveau dans l’attente interminable de la fin des vacances.

Rêver du premier jour d’école, parce que là-bas,
on est attendu.

Ce texte a été rédigé par Xavier Fisselier dans le cadre des vases communicants. Vous pouvez le suivre sur son blog sur lequel il accueille aujourd’hui mon texte en échange.

Et voici la liste des autres participants à ces vases communicants de juillet :

Caroline Gérard et Martine Rieffel
Ana NB et Christophe Grossi
Louise Imagine et Christopher Selac
Isabelle Pariente-Butterlin et G@rp
Camille Philibert-Rossignol et Joachim Séné
Pierre Ménard et Samuel Dixneuf
Anna Vittet et Justine Neubach
Piero Cohen-Hadria et François Bon
Christine Jeanney et Cécile Portier
Urbain trop urbain et Sofiléo
Juliette Mezenc et Jacques Bon
Loran Bartet Jérôme Wurtz
Jeanne et Olivier Lavoisy
Maryse Hache et Josée Marcotte
Franck Queyraud et Nicolas Bleusher
Dominique Hasselmann et Corinne Bougrat
Quentin et Brigitte Célérier

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