L’odeur du grenier
1.8.11Me revient ce matin l’odeur du grenier. En fait de grenier jamais il n’avait eu vocation à le devenir. C’était une chambre de plus, une chambre prévue pour je ne sais quelle personne de la maison, un autre enfant - non, je ne crois pas - une pièce pour les amis plutôt, enfin peut-être.
Coincée entre la chambre d’en haut, celle qui deviendra paternelle à la séparation des corps, et les toilettes à la chasse d’eau fuyante, c’était une pièce large à l’unique fenêtre donnant sur les toits. Elle était toujours fermée à clé car elle était vite devenue synonyme de danger : le sol était craquelé, sans autre revêtement qu’une terre fine et sablonneuse, quelques gravats jonchaient le sol et en son centre, un creux de deux mètres de circonférence se faisait menaçant pour qui osait s’y aventurer. Une pièce à retaper, disait papa, quand on aura l’argent pour le faire. Une salle de jeux, je reprenais, une salle pour moi, mes copains avec billard, flipper et grande table pour dessiner. Mais jamais la pièce à restaurer ne vit le moindre maçon.
Alors, elle devint grenier. On l’embarqua dans son rôle choisissant tout un tas de choses qui allaient constituer son fatras : vieilles valises, cartons sans nom remplis de poussières grises, vieux lits et matelas crevés mais aussi cagette de pommes de terre qu’on étalait là sur son sol instable pour les faire germer. Sa fonction prit place lentement au fil des années et des objets mis au rebut. Elle ressemblait de plus en plus en un grenier, un vrai, avec toiles d’araignées incorporées et odeurs attenantes. Senteurs de moisi, de renfermé, du froid aussi qui piquait quand on déverrouillait la porte, de l’humidité encore qui nous prenait le corps et les os. Et puis, celle persistante, mélange de toutes, celle qui me revient ce matin, avec une prédominance pour les patates gâtées, noires et piquées de germes, une terrible odeur de terre dure brouillée des relents putrides du plâtre humide qui saignait le plancher.