Vert matin
10.8.11Me suis endormi une fraction de seconde. Comme une petite perte de connaissance et j’ai rattrapé l’auto de justesse d’un coup de volant vif, un réflexe sorti - je ne sais comment - de ma micro-léthargie. J’ai freiné, serré le bord et mordu un peu le gravier. La voiture a continué de rouler libre quelques secondes sur l’accotement, le pied léger sur la pédale, puis s’est arrêtée dans un craquement lent et décomposé des derniers gravillons. Et ensuite plus rien, un vide, un grand silence sur le jour devant moi, sur l’à peine jour, un matin que je n’avais pas vu venir, un temps échappé que la vitesse et le sommeil m’avaient masqué. Mes yeux ont mouillé un peu puis se sont froncés sur le premier rayon de soleil sur la colline, un rai rasant sur la cime, mince filet qui a vite grandi, plus vite que mon esprit endolori en s’étendant à vive allure sur le versant devant moi. Alors rapidement la colline s’est éclairée, les taches sombres de nuit ont disparu. Sa rondeur, ses bandes boisées, ses chemins de traverse ont éclaté au grand jour dans un vert, un vert, un vert incroyable. C’est fou comme elle était verte tout à coup cette colline. Un vert puissant, un vert démesuré, du vert partout, du jamais vu tellement c’était vert. J’ai éteint le moteur, passé mes yeux au frottement de mes poings et face à ce spectacle, j’ai cru que j’avais vraiment eu un accident. Un instant, j’ai pensé que je n’avais pas freiné, que je n’avais pas donné ce coup de volant réflexe, que j’étais dans le ravin, courbé dans mon auto, évanoui, ou même mort peut-être. Bon dieu que cette colline était verte !