L'oiseau de jour

1.10.11

Oiseau de jour, il errait de rue en rue, à la lumière, toujours la lumière, il déployait tout son beau, le nez comme un bec pointé sur les gens mineurs, les gens d’en bas qu’il croisait, les petits qui voulaient voir les grands. Déshabillé, envié, jalousé par un parterre d’admirateurs, il fallait qu’il soit vu, au milieu de, parmi le monde médiocre pour que sa majestueuse prestance soit mise en valeur. Il arpentait les grands boulevards, les quartiers chics, les huppés comme il disait, je ne vais que dans les lieux où je peux être vu, apprécié, où je peux montrer mon rang, voyez. Et son rang il était haut, aussi haut que lui, aussi grand que ses presque deux mètres, aussi large que ses épaules, envergure d’aigle bâtisseur, charpente de bucheron montée sur une allure de dandy. Et il roulait des mécaniques, s’installait aux terrasses fleuries, sur une chaise où il pouvait étendre ses jambes sur la rue, ses longues jambes chaussées de mocassins chics cirés par la lumière du jour et sous ses lunettes noires, tirant sa mèche gominé sur chaque œillade appuyée, il regardait les passants, raillait les têtes, moquait les allures. Voyez, il disait, ils viennent admirer les gens comme moi, ils viennent toucher ce qu’ils n’ont pas, ils n’ont rien à faire ici, ils n’y travaillent pas, ils n’y consomment pas, les lieux sont trop chers pour eux, et pourtant, ils sont là, ils sont là pour moi, pour bavasser sur ma réussite, pour rêver à ce qu’ils n’auront jamais, les gueux. Il disait, il disait beaucoup, l’oiseau de jour, il paradait, roucoulait, jacassait trop et tout le monde dans la ville le savait : il était vraiment le roi des cons.

Dans le même tiroir