AUNOIL
6.11.11Onze heures moins dix et me voilà bloqué sur cet écran. Un email envoyé à une personne pour la première fois et je reçois en retour l’avertissement ci-dessus. Un filtre anti-spam commun mais qui, par cet écran, résume bien des ambigüités et sans le savoir, me pose plus ou moins finement des questions existentielles voire philosophiques.
D’abord, l’opérateur - Futur Telecom - me bascule d’un clic d’un présent que je croyais bien ancré entre moi et l’écran. D’évidence et la suite me le confirmera, je n’y suis plus. Je suis dans le futur comme l’indique le logo en forme de goutte fluide et bondissante. Je suis venu du présent. Je suis parti d’un point incrusté sur la page à la faveur d’un jeu subtil de perspective et j’ai bondi, grossissant le trait au fur et à mesure que j’avançais dans le temps, jusqu’à m’englober tout entier dans la partie grasse de la goutte, celle qui entoure et colore le mot futur. Chemin faisant, j’ai découvert le concept de stimulation des communications. Quand on est goutte qui voyage dans le temps, je peux comprendre que cela stimule et si par fainéantise du voyageur, je ne m’étais pas résolu à la stimulation, l’injonction qui m’est faite en base-line du logo ne me laisse aucune échappatoire.
Les stimulations du futur terminées, je poursuis ma lecture. MailInBlack, le petit nom de ce logiciel anti-spam, me fait sourire évidemment. Comment échapper au jeu de mot facile et à l’image de nos deux héros aux lunettes noires armés de désintégrateurs d’aliens. Je passe, après tout je suis dans le futur. La suite va me plonger dans un chaos métaphysique. Il faut que, sur cette page blanche, dans un formulaire ad-hoc, il faut, si je veux que mon message arrive à destination (ne pas oublier le but final), que je prouve mon existence physique. En arrêt devant la phrase m’énonçant cette directive pour le moins cocasse, je commence par me palper les bras, me pincer les joues, me mordre les lèvres et je prends en suivant une longue respiration, inspire et expire avec force. Autant de tests instinctifs qui doivent me donner des réponses claires : Est-ce que j’existe ? Suis-je physique ? Mais rien ne se passe, rien ne me rassure, je suis au bord d’un abîme de perplexité, renforcé par le fait que je suis dans le futur, que je viens de traverser le temps à la seule force de mes stimulations communicantes. Alors après ce périple comment être tout à fait sûr que j’existe, que je ne me suis pas transformé en créature hybride, mi-homme, mi-goutte ou pire que je ne suis pas devenu un spam, justement la cible du traquenard qui m’est tendu.
Heureusement, dans le formulaire de validation, au dessus de la case où le curseur clignote, il y a la captcha qui s’affiche. Et je la vois, je la lis. AUNOIL ! AUNOIL ! Je cris, j’exulte, vive la captcha ! Je suis vivant, j’existe, je suis physique !