1601 - retour sur #VasesCommunicants
4.4.12
1601 jours qu’ils sont partis. 1601. J’ai compté chacun de ces jours, chacune de ces minutes, chacune de ces secondes pour en arriver à ce décompte imparfait. Et le 16/01 à 16h01, je me surpris à trouver juste cette numération : 1601. Ce chiffre si mal mené, si mal rond, si grand et si vide de sens se justifie par la coïncidence du temps. La date et l’heure comme un témoin de plus à l’impensable, l’impossible, l’irréelle réalité. 1601. L’incongruité du mal. Parce que c’est bien de cela dont il s’agit, quand je repense à cette suite humaine mise à plat sans aucune dimension, lorsque je me retrouve démuni et lâche pour mes aïeux devant cette fresque immortelle peuplée de vies éteintes.
Un passage d’histoire et des voix étouffées, un train - le 1601 Drancy-Buchenwald - et de la fumée qui pique les yeux, qui perfore la vue et l‘entendement comme les œillets qui crèvent leurs visages ignorants. Voilà en corps oubliés ce qu’il reste de Chamira à la longue popeline de velours, de Gad au costume clair seyant et à la moustache impeccable, de la vieille Emouna leur mère et belle mère bâtisseuse d’espoir. Suit leur descendance détourée de blanc, flanquée sur un mur comme une estafilade sur nos cœurs : Adam, Simon, fils de Chamira et Gad, et leurs épouses Gayil et Tsipia puis leurs enfants, petits-enfants aux prénoms oubliés parce que trop peu usités, trop neufs, trop peu ancrés dans la vie pour être mémorisés, trop vite partis. Une litanie de prénoms sans nom, car la famille n’existe plus depuis 1601 jours, depuis que le train de la mort a craché un épais voile de vapeur sur la vérité.
Texte écrit dans le cadre des vases communicants du mois de février chez Christine Czottele. Le prochain vase, ce sera vendredi avec Colette Maillard sur son site annajouy.ch tandis qu'elle investira le fut-il, la poésie tendue.