On a tout dit
28.5.15
On a tout dit sur les matins, les levers de soleil en carte postale et la langueur des corps qui les regardent. On a tout dit sur nos matins chagrins de la veille l’oeil vissé sur la nuit incendiaire. On a tout dit sur nos mots échangés, nos haleines de poneys refoulées, le chewing-gum menthol pour goûter nos langues excitées. On a tout dit sur nos matins suants, les draps en boule au fond du lit, nos corps nus en appel d’eau. On a tout dit sur nos sourires au sortir du rêve, nos angoisses refoulées sous le traversin. On a tout dit sur le cendrier puant qui pleure à nos chevets, la bouteille de vin renversé sur la table et les draps maculés de nos ventres. On a tout dit sur nos têtes coincées dans l’étau de la nuit qui se regardent sans se voir, les pensées défendues sur nos bébés manqués. On a tout dit sur nos mains qui cherchent le chaud dans les plis et qui trouvent des creux dans des madeleines crevées. On a tout dit de l’amour qu’on n’a pas assez fait, des regrets muets que nos yeux s’échangent égarés. On a tout dit des secrets jamais révélés qui saignent entre nos dents de les avoir trop mâchés. On a tout dit de ces couches de suie que nos cœurs ont essuyé pour paraître plus fort et redorer nos blasons en épée. On a tout dit des fringues sur la descente de lit éparpillées, de nos sous-vêtements souillés par le stupre déversé. On a tout dit sur nos paroles d’amour renversées, leur saveur éculée à d’autres que nous mille fois répétées. On a tout dit sur les matins. Même qu’on aimerait recommencer.