Jour d'ogresse en ciel bas
23.8.15
Je ne me résous pas à tirer les rideaux, pas plus qu’à baisser le volet automatique qui n’est plus vraiment automatique depuis qu’au printemps il s’est bloqué me laissant par une journée ensoleillée dans le noir total. J’ai réussi à le remonter à force de pression sur l’interrupteur, celui du haut, celui du bas, à triturer les pulsions électriques pour qu’il se lève à nouveau et laisse entrer le jour. Depuis, il est relevé, jour et nuit, laissant la fenêtre ouverte au soleil, aux nuages, aux vents en bourrasque et à la pluie qui gifle la vitre.
Des gifles grosses comme aujourd’hui, jour d’ogresse en ciel bas. La mer ne se démonte pas, elle aboie et crache son eau en gros mollards clairs. Chaque vague se ramasse sous son petit nuage, le fait grossir et maintenant, il se la pète en éclair, fier comme un cumulonimbus. Fissure dans le temps, la foudre et l’obscur se roulent des pelles juste devant ma fenêtre et dans un gris mousseux, s’enroulent jusqu’à pâmoison. Ils vont finir par s’éclater et toucher le septième sans aucun autre ascenseur que ma joie à les regarder s’ébattre.
L’eau de leurs galipettes pénètre sous le seuil. La fenêtre transpire la sueur de leur bagatelle et vient jusqu’à mes pieds souiller le tapis du salon. J’ai l’orteil humide et l’oeil aux aguets, petit voyeur de ciel. Ciel qui se cache, s’apaise un instant comme pour me dire : « Regarde ce que je te prépare. Fais péter l’œilleton, je t’envoies du CinémaScope ». Et ça repart en grand coït, ça secoue le dedans, bouche collée à la vitre et corps-à-corps céleste.
Je ne me résous pas à tirer les rideaux. Le volet est grippé. Je n’ai pas assez d’huile de coude pour le réparer et j’aime beaucoup trop que les amoureux se glissent en limon dans mon salon.