S09 #BioDuJour – Vivien, Rosine, Justine, Rodrigue, Mathilde, Louise et Bénédicte

16.3.16

Semaine 09 #BioDuJour : Biographie rapide et fantasque du personnage qui se cache derrière le prénom fêté du jour. Les courts textes de six lignes postés quotidiennement sur les réseaux sociaux sont repris ici le mercredi et accompagnés d'une historiette rassemblant tous les personnages de la semaine.


10/03 – On fête les Vivien #BioDuJour

Vivien vit bien si bien qu’il ne voit
Autour de lui que le bien et s’y noie
Vivien est un positif joyeux et plein
D'ardeur que le malheur n’atteint point
Vivien est un béat quinqua benêt
Beaucoup le dupent sous son nez

11/03 – On fête les Rosine #BioDuJour

Rosine ondine dandine souligne
De satin noir ses jolies lignes
Rosine aimerait avoir une taille
De guêpe, butiner avec gouaille
Rosine vit légère depuis trente ans
Donne son corps au tout venant

12/03 – On fête les Justine #BioDuJour

Justine a un sens aigu de la justice
La veuve et l’orphelin en complices
Justine est avocate au barreau de Paris
Vote à gauche mais n’est d’aucun parti
Justine convole avec des anarchistes
Défend parias et vilains gauchistes

13/03 – On fête les Rodrigue #BioDuJour

Rodrigue en veut à la terre entière
Responsable de sa propre perte
Rodrigue n’aime pas les gens
Et on le lui rend cent pour sang
Rodrigue aime se battre à la sortie des bars
En découdre avec les cons sur le trottoir

14/03 – On fête les Mathilde #BioDuJour

Mathilde a terminé ses trente ans
Dans un estaminet de délinquants
Mathilde a souillé sa robe bleue
Vomi la beuh et passe aux aveux
Mathilde dégrise lointaine de sa vie
Et parie sur la quarantaine assagie

15/03 – On fête les Louise #BioDuJour

Louise a la tête agitée de soucis
Craint les mots en crise et les lazzis
Louise s’affole des jours qui fuient
Et de l’heure qui soulève la nuit
Louise ne sort plus depuis vingt ans
Compte avec la langue et serre les dents

16/03 – On fête les Bénédicte #BioDuJour

Bénédicte épouse les poncifs en fatras
Se fiche de tout, même des poils sous les bras
Bénédicte a un avis sur tout et n’importe quoi
Surtout les sujets qu’elle ne connaît pas
Bénédicte a vingt balais et les dents
Qui rayent le plancher et les intelligents




Vivien mord la vie à pleines dents et cette salope le lui rend bien. Mais il ne voit rien. Vivien vit, danse, boit, joue, aime, sourit et rit comme si, autour de lui, tout n’était que bienveillance. Vivien a un seuil de tolérance si élevé qu’il ne voit chez les pires manipulateurs, affabulateurs et autres mythomanes que la parcelle de bonté qui git en eux sous des tonnes de malveillance.

Vivien est marié à Rosine. Rosine est une pute. Je n’ai aucun scrupule à le dire : tout le monde y est passé dessus, même moi. Moi, je m’appelle Mathilde. J’ai trente ans que je traine dans les rues de Paris comme une paillasse à trous. Alors quand je peux la poser quelque part, je ne me gêne pas. Et avec Rosine, elle a beau être une sacrée trainée, c’est toujours de la belle baise. Même le grand tordu de Rodrique se l’est tapée, la Rosine. Par devant et par derrière. Mais ce connard n’aime personne. Le Rodrigue, ce qu’il aime, c’est cogner ! Et c’est là que ça a commencé à se gâter.

Ce soir-là, je sortais du troquet avec une envie de baiser qui me crevait le ventre. Je me suis dit que Rosine, pour cette nuit, ferait l’affaire. Besoin de légèreté et de tendresse. Je préfère les hommes en temps normal. Mais longtemps que la normalité m’a quittée et les hommes avec. De toute façon, les mecs, je ne peux plus les blairer. Et comme je n’ai que des pochtrons du troquet comme étalon, ce n’est pas prêt de s’arranger. Je marchais d’un pas décidé après avoir textoté à Rosine qui m’attendait deux rues plus loin, près de l’hôtel où elle a ses habitudes, lorsque je croise le Rodrigue remonté comme une normande. Il me bouscule sans me calculer et trace sa route en mâchonnant sa colère dans sa barbe. J’arrive sur le perron du bouge et je trouve Rosine allongée en larmes. Je lui demande si ça va. Normal. Mais dans ma tête, je me suis dit direct : ce n’est pas encore ce soir que tu vas baiser, ma vieille…

Rosine se relève la gueule en vrac avec une estafilade qui dégouline de son arcade droite jusqu’à la lèvre. Putain, il l’a encore tabassée. Je l’aide à se redresser. Et vas-y que je te pleure sur ma veste qui m’a coûté une blinde, et vas-y que je me frotte et que cette salope me fout du sang partout sur le futal. Ni une ni deux, j’appelle Vivien qui rapplique illico avec sa gueule d’enfant de chœur. Samu et tout le bordel et me voilà seule avec l’autre benêt qui sourit à la nuit comme si rien ne s’était passé. On cause deux minutes de Rosine et de l’autre empafé de Rodrigue. Et lui, il excuse tout. Rodrigue a eu une enfance malheureuse, Rodrigue est malade, Rodrigue suit un traitement et ça va aller mieux, Rodrigue n’est pas un mauvais bougre. Puis, Rosine, ce n’’est pas grave. Deux points de suture et il n’y paraitra plus rien. Non mais c’est incroyable comme ce mec est une lavette !

La nuit gesticule dans le quartier. Des chats, des chiens, quelques poivrots qui se cherchent des noises et Vivien et moi sur le perron de l’hôtel à se regarder dans le blanc des yeux. Et là, je ne sais pas ce qui m’a pris, je lui lance tout de go : on monte ! Confusion, blablabla de mon Vivien qui pointe ses chaussures du regard comme si elles étaient neuves. Et puis merde, je t’emmanche le bras du bonhomme et on grimpe au second. Dans la chambre, je lui saute dessus et ce con me repousse. Recroquevillé sur le plumard, voilà qu’il se met à couiner dans les draps. Décidément, ce n’est pas ce soir que je jouirai. Il se calme, s’assoit sur un pouf près du lit. On dirait un enfant de CM2 qui a fait une connerie et qui va l’annoncer à sa mère. Mine de chien battu, les yeux boursouflés et les joues rouges pompier, il m’annonce qu’il ne peut plus. Qu’il ne peut plus faire ça. Que ce n’est pas correct vis-à-vis de Rosine. Que si elle venait à l’apprendre, ce serait une catastrophe pour lui. Que Rosine ne lui pardonnerait plus cette fois.
Qu’il ne peut plus ? Plus cette fois ? Les bras m’en tombent et je cherche une confirmation. Et il me répond que oui, qu’il a déjà trompé Rosine, à plusieurs reprises avec Justine, Louise et Bénédicte ! Non mais ça me troue le cul ! Lui, le benêt, le simplet, le pierrot de la lune ! Non mais je suis sciée. Et moi ? Il ne veut pas me baiser, moi !

Louise 15/03

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