7 variations sur le même thème #5
15.2.17- N’oublie pas la blessure. Le pansement ne cache rien. Dans la plaie résiste une peur que tu ne peux soigner. L’onguent du temps ne soulage rien. La douleur passe à travers la peau malgré l’oubli des peines. Elle est têtue, purulence d’un destin caillé dans notre for intérieur. Sur nos corps affaiblis, au matin des sirènes hurlantes lorsque nous vient l’idée de réformer le monde, elle se gorge de son propre pus. La blessure explose aussi résolue que le regain d’une tumeur – pleine et ardente, à vicier nos vies.
- Le soleil sur ta joue donne un contrejour au rêve. Je ne sais pas ce que je vois, si le rêve même n’est pas altéré par la main qui caresse. Est-ce ta peau que je caresse ? Dans le trouble des heures sans prise, dans un lent travelling, je crois sentir sous mes doigts un corps frémir. Un corps qui défie l’harmonie. Un corps que le rêve a oublié. Au fond du puits de lumière, je me lève. Cerné, je suis l’envers du rêve, l’ombre qui passe sur ta joue.
- On doit ouvrir la peau, savoir ce qui se cache à l’intérieur. Dans les entrailles, révéler la blessure secrète. A quoi bon continuer si les squames restent un rempart. A l’assaut des paupières, il faut découper nos regards en fines lamelles. Décanter quelque philtre d’amour à travers les persiennes – observer nos poussières flotter.
- La rage roule dans le ventre, réceptacle de nos peurs inavouées. Quand tu brodes autour de vaines paroles, tu accélères la liesse de l’amertume. C’est au centre du brasier que nous devons émouvoir nos corps. A distance des mots qui perdent. Dans nos creux, nos lèvres prêtes à baiser la peau de l’inconnu.
- Quelle est ta blessure, que tu ne saches même pas où se trouve le feu ? Un orgueil pousse dans ta gorge, dévale ta trachée comme une bombe. Tu ne sauras t’en défaire que si la blessure se donne à voir, sans vergogne. Tant que tu joues avec elle, à la déglutir ainsi sans une once d’humilité, elle restera sécrète, pour finir échouée au fond de ton ventre. Elle enfantera un germe mauvais, une incarnation de ton cœur souillé.
- Tout homme a sa bosse, sac à plaintes et souillures. Tout homme est rompu à sa disgrâce, voué à se courber sous le poids sans cesse plus important de la fange qu’elle contient. Lorsque toi tu caresses ma bosse, le vent que ta main soulève érode les opprobres montueuses, les rend légères au point de les oublier. Mais en aucun cas ne les efface, en aucun cas ne vide la bosse. Je ne saurai vivre sans ma besace remplie de la férocité du monde.
- Un éclair et tu grondes avec un orage dans la bouche. Tu l’accompagnes dans son désespoir de suie. Avant la lumière dans le nuage. Avant le ciel et ses griffures. Avant que ton courroux n’éclate, pénétré d’électriques coups de semonce. Avant que je me cale contre toi, comme un paratonnerre.