7 variations sur le même thème #6
23.2.17- Une lueur dans le fossé et c’est le monde qui nous revient. Un vieux monde qu’on n’attendait pas ici, enfoui sous la terre des anciens. Son souvenir se blottit entre deux cailloux dans le reflet d’un bout de verre. Pas assez de nos yeux dans l'éclat suscité pour voir les années de lumière. Nous passons en l’ignorant. Le déni est notre bâton d’aveugle.
- Un couple a hissé une ombre à ses pieds comme une voile à son mât. La direction est claire, la barre fièrement tenue. Derrière eux nous marchons. Nos corps se cognent à l’ombre. On tangue, on vire, on avale le sel jeté à nos bouches. Notre embarcation est un frêle esquif, plus à l’aise à la cale qu’à la mer. Un grain sur l’ombre et nous sommes déjà loin, emportés par l'impact de la vague.
- A l’épreuve des terres, sous l’amas des boues, nous passons chaque automne dans le chas d’une aiguille. La vue baisse et nos yeux se mouillent au refrain pauvre des saisons. Le temps gonfle et fissure nos mémoires exiguës comme la pluie marque les châtaignes. L’œil de l’aiguille se referme sur nos vanités inavouées. On se pique les doigts à vouloir passer le fil du temps dans un si petit vide.
- On suit le soc de la charrue. Luisant au soleil, tranchant la terre nourricière. Il creuse pour nous le sillon sous nos pas. On s’y engage, sans fortune, avec le seul désir d’aimer. On chemine entre deux terres. Une terre solide où nos corps sensibles se tiennent, rampent, mordent et une terre légère aux quatre vents, éphémère poussière qui cache à nos visages le terreau des funérailles. Un jour nos yeux s’ouvrent puis aussitôt se referment. La glèbe épaisse prend le dessus, glisse dans le grand couloir taillée par tous les socs – lentement nous recouvre.
- Le jour où j’ai pénétré la terre, tu fus l’espoir entre les racines. Quelque regard enroulé dans la brume n’osait y croire. Face à face flottaient l’immensité de l’être et sa perception fragile. La sensation l’emporte toujours. Nous sommes une bulle de vie où s’est enfermé un chardon – dans l’attente pure qu’elle éclate.
- On a le silence avec nous et la nuit comme gardienne. Loin dans les terres, là où le soleil semble disparaître pour toujours, le bruissement d’un arbre parle de nous. De nous et de la couverture de nos peaux dans le matin blanc. C’est un silence qui s’ajoute au silence, une sorte de rumeur réservée, quelques mots à accrocher au feuillage de tes bras.
- Après la secousse de la terre, à l’instant où tout bascule, tu serres mon bras comme tu t’accrocherais à une branche. Je n’ai pas le corps d’un arbre, pas même celui d’un buisson dans lequel tu pourrais te réfugier. Je suis simplement l’homme qui boit ta terre, surtout quand elle me secoue.