L'autre langue
28.2.18
La rue est vide. Blanche et vide. Seul le vent balaye le trottoir, chasse la neige à grands coups de langue. Pourtant si on tend l’oreille, une voix tremble sous l’assaut des bourrasques. Blottie au fond d’une cour, entre un arbre glacé et le muret d’un barbecue en pierre, elle est recouverte de la bave du vent. Elle voudrait se faire entendre des hommes bien au chaud sous les toits. Mais la voix que le vent lape sans cesse s’égosille sans pouvoir traverser la rue et les murs. Elle se fond dans sa propre haleine givrée, se gèle les lèvres contre le tronc de l’arbre, s’étale comme une larve sur les pavés de la cour. C’est la voix de ceux qui, d’habitude, se taisent. Qui dans la rue sont les parents du bitume. La voix des oubliés qui parle l’autre langue du vent.