Dans l'air de la rue
26.1.19
Il y a dans l’air, dans la rue, dans l’air de la rue : de la peur. On ne l’aperçoit pas du premier coup, la peur qui rôde dans la rue. Elle n’a pas l’air d’être de la peur, elle ne ressemble pas à l’idée qu’on se fait de la peur. C’est une peur cachée dont seule la rue connaît l’existence puisqu’elle la retient en elle, jusque sur ses trottoirs, jusque dans les regards des passants.
Comme pour cet homme croisé ce matin, cet homme bien urbain, au sourire franc lorsque nous nous sommes rencontrés du même côté du trottoir. Cet homme propre sur lui, le regard haut, l’allure fière. Cet homme qui a fait un écart pour me laisser la place et qui m’a souri de son plus beau sourire en s’excusant presque d’être sur mon chemin. Son sourire voulait dire : excusez-moi, je ne vous ai pas vu, j’étais dans mes pensées.
Pourtant, j’y ai lu de la peur. Furtivement, de la peur coincée entre ses lèvres, un regard double dont un œil ne voulait pas croire l’autre ; cet œil qui ne disait pas la même chose que son sourire ou ses gestes convenus. Cet œil comme ce rictus de façade ont contredit la politesse et l’effacement. L’homme, au plus profond de lui, a eu peur. Tout le monde a peur. La rue le sait, l’air de la rue est rempli de pudeur qui couvre les petites peurs.