La femme au balcon XXXVI
12.4.22On s’est rencontrés. Dans la rue. C’était la première fois. Bien que voisins, le hasard avait voulu que jamais nous ne soyions descendus ensemble de nos appartements respectifs. Jamais nous n’avions poussé dans le même mouvement la porte de nos immeubles pour nous retrouver nez à nez sur nos pas de porte respectifs.
Dans la rue. On s’est rencontrés. Aujourd’hui. Mais loin de chez nous. Dans un cadre inhabituel, plus loin dans la ville où jamais je n’aurais cru qu’elle pût exister. Un peu comme lorsqu’enfant, je croisais ma maîtresse d’école au supermarché. C’était bien la même personne mais débarrassée de son tableau noir, de son petit bureau monté sur une estrade, ici dans un rayon entre les fromages et les boites de conserves, avec un sourire et un regard de connivence que je n’avais jamais vus, elle m’apparaissait irréelle.
Aujourd’hui. Nous nous sommes rencontrés. Et de part son visage, son allure au milieu d’un quartier de la ville où elle ne devait pas apparaître, la femme sans son balcon, sans cigarette ni même téléphone à la main, debout dans une sorte d’incrustation numérique dans le paysage, m’a paru complètement nue.