La femme au balcon LIV

11.6.22

Il fait beau encore. C’est fou comme il fait beau. Il sort sur le balcon, en caleçon et torse nu. Il a une marque de la nuit dans les cheveux, un épi qui pointe sur le crâne et sur la joue, les plis du drap qui montent jusqu’au front. Il est beau. C’est fou comme il est beau. Il tient dans les mains un mug de café, il s’assied et le serre entre les cuisses pour lui permettre d’allumer sa cigarette. 
J’entends d’abord sa voix forte, rauque et pleine. Elle lui parle depuis la cuisine. Des mots doux du matin mais qui sortent un peu enroués. Il tient toujours son mug serré entre ses jambes. Il fume sans les mains malgré la fumée qui pique les yeux, lui dit de venir le rejoindre. Elle arrive, l’embrasse sur le crâne, juste sur l’épi, lui frotte le visage pour gommer les plis du drap, sa cigarette tombe de sa bouche. Ils toussent tous les deux, au même moment. Plutôt qu’une toux, c’est un long raclement pour se dégager la gorge. Ils sourient de cette simultanéité. Ils sont beaux. C’est fou comme ils sont beaux. Ils tiennent dans leur mains un instant complice.
J’ai envie de leur dire de ne pas le lâcher, de s’en souvenir, de le serrer longtemps entre leurs cuisses.

Dans le même tiroir