10 minutes, sur un banc
31.7.23Lui, rougeaud, la fixe. Il est inquiet. Son regard balaie ses yeux à elle, recherche un assentiment qui ne vient pas.
Elle, genoux repliés jusqu’au menton, enlace ses jambes, les serre jusqu’à faire de petits renflements de peau sous ses doigts.
Lui, assis sur une fesse, buste de trois quarts tourné vers elle :
— Tu ne m’as laissé le temps, c’est compliqué !
Elle, rien. Les orteils dans ses sandales battent la mesure de ses paroles à lui. Elle, rien, de sa tête descendent des lunettes noires. Rideau.
— Je ne vais même plus au Rugby.
Elle se tord. Elle bout. Délace ses genoux et son chignon. Les cheveux tombent, de ses yeux un peu d’eau.
— Sur 1550 euros, après loyer, charges, courses, il nous reste 300 euros.
Lui, se gratte la barbe. La peau de son visage est parcheminée de billets de banque. Son regard est un compteur.
Lui, réprime l’eau.
Elle, inaudible, parle. Voix faible, étranglée de sanglots. Les jambes retombées au sol balance de gauche à droite. Ses mains remontées derrière la tête disent qu’elle ne l’écoute plus. Il le sait.
Lui, part.
Le silence d’après s’étale, épais.
Elle, rattache ses cheveux lentement. Me regarde par-dessus les lunettes. Part.