De tout temps recommencée

Avec mesure, le jour se baisse
Vieil homme acquis à la courbure
Tu lis engoncé dans ton fauteuil 
Prêt à accueillir la descente du soir 
À cette ombre sans emphase, lasse
De tout temps recommencée
Tu laisses une place dans la page
Humble présent sous la phrase
  • 28.8.24

Facile à dire

Il faudrait détendre les fils
où sont posés les entêtements.

S’accorder la patience sous la fatigue,
tirer un trait sur les ratés, recommencer.

Facile à dire tant on sait 
ce qu’il y a de fierté sous la souffrance, 

ce qui en nous ne lâche rien de ce qui part.
  • 25.8.24

Chaque jour un peu plus

Je bute sur une phrase
qui déplierait les angoisses.

Une phrase qui opérerait à cœur ouvert
les pensées les plus sombres.

Mais toujours l’œil regarde ailleurs
où la réalité domine.

Chaque jour un peu plus,
la ligne du temps rabote le verbe.

Chaque nuit un peu plus,
l’espace de la phrase se réduit
  • 17.8.24

Mes disparus, mes revenus

Mes disparus, mes revenus.

Vous êtes des visages qui tremblent comme à travers la flamme d’une bougie.

Ici au bout du boulevard des vies brisées, vos bouches flottent et je vois des cris sortir de vos lèvres agitées par le feu.

Il me suffirait de souffler sur la bougie pour vous éteindre,
de chasser les pensées tordues du rêve.
Je pourrais courir loin au-delà du boulevard, vous fuir ou patiemment attendre la fin de la coulée de cire.

Mais c’est une bougie de farces et attrapes, de celles qui se rallument dès que l’on souffle dessus.
Mais c’est un boulevard sans horizon, un chemin qui revient avec tout ce qui est parti.

  • 8.8.24

Ombres

Les ombres font des frises sur les murs. Un chat passe, équilibriste entre deux balcons. Il est une ombre comme les autres. Son corps agile et ses moustaches fines rebondissent. Il ne connaît pas la peur du vide sur son arête de quelques centimètres. Il passe, c’est tout. Sans aucun but. 

Les oiseaux aussi sont des ombres. Hirondelles affolées par la placidité du chat. Ombres vives contre nonchalance. Je suis une ombre entre les deux. Sans aucun but. Je passe entre le chat et les oiseaux. Je gratte ma moustache, fais grimper deux ombres de plus en étirant les bras. Je crois un instant que je peux voler.
  • 5.8.24

Escalade

Le corps ne tient plus la distance.
Une nuit s’agite et la machine s’enraye.
J’avance dans le brouillard, les armes en bandoulière.

Les réflexes sont des gestes que je réapprends.
Ils perdent leur instinct, s’éloignent
comme un nuage porté par un vent trop rapide. 

J’écris le dedans pour affronter le dehors.
Il faudrait baisser le thermostat, ouvrir les soupapes.
La peau en serait rassérénée. J’ai envie de chair de poule. 

Le chemin est étroit entre les doigts
et le cerveau, escarpé le long de la falaise.
Le vertige est au milieu du ventre.
  • 2.8.24