Reprise

Tu ajustes un peu
le miroir pour te voir
de plus haut, 

aussi te moquer    
des longues années
de rides. 

Tu effaces au Typex,
pour que reste un souvenir 
du blanc sur le manque,

puis tu reprises maille
par maille
le tissu des rêves.
  • 31.3.25

Plop

Ce matin, j’ai croisé
un fabuleux silence,
un peu revêche au départ,
ne voulant pas vraiment
se faire remarquer. 

Il a très vite éclaté, plop
dans mon oreille saturée 
du bruit de tous les jours,
me laissant tellement léger 
que demain déjà en redemande.

2019
  • 30.3.25

Fatigue

Je devrais porter ma fatigue
plus loin dans une forêt,

l’abandonner aux arbres
au milieu d’une clairière,

au lieu de lui laisser une place
près de moi qui la dévore.

M’affamer pour l’oublier.
  • 28.3.25

Sans moi

Le jour a commencé sans moi,
glisse sous la porte une lumière  
de déjà-vu une odeur d’ordinaire.

De petites sensations sans charme 
vont viennent avec leur éternité  
de gestes qui rassurent la tête le corps. 

Vont viennent avec leur entêtement,
leur poids et leur râle rampant ;
le jour a commencé sans moi, tant mieux. 
  • 26.3.25

C’est idiot

J’aime la lenteur des dimanches,
leur goût pour les ambiances feutrées. 

J’ai un café dans les mains,
le regard dans la rue. 

J’attends qu’un facteur passe,
c’est idiot c’est dimanche. 

Dimanche feutré sans personne,
avant le tohu-bohu des questions.
  • 23.3.25

Debout

Il fait un jour à tenir le paysage debout. 
On doute de notre regard. Des îlots de réalité qui le composent. Les points et les lignes qui tiennent le tout ont des tremblements. Petit séisme dans l’appréhension de ce qui se dresse devant nous. Il faut retenir nos langues qui auraient vite fait d’expliquer les petites erreurs du réel. Il y a trop peu d’arbres qui traversent la ville pour nous rassurer. Rien que ce trou sur le trottoir ne présage rien de bon.
Il fait un jour à tenir le paysage debout.
  • 22.3.25

Si peu

Aujourd’hui, rien ou si peu. On peut lever les yeux, regarder le ciel, se dire à demain ou adieu. 

On n’est pas si mal avec ce si peu, aussi peu que cette goutte de pluie glissant sur la vitre vers l’oubli,

et à qui l’on confierait presque notre vacuité, notre inlassable besoin d’être consolé. 
  • 20.3.25

Tout cabossé

Il y a faille de la mémoire,
obscur déni ou amnésie. 

On secoue le grand sac 
pour trouver le bon numéro,
un plaisir d’enfant dans le sourire.

Ce que l’on sort alors
de nos emmêlés est souvent 
un petit mensonge tout cabossé.

2020
  • 19.3.25

Dans ma musette

Je voudrais un mot pour la soif
dans ma musette du grand voyage. 

Oh ! Rien de bien fameux
rien de ronflant ni de bien beau. 

Un simple mot suffirait,
il dirait par l’exemple 

combien les sales instants 
avec le temps sont des ancrages.

2020
  • 16.3.25

Obscure clarté

Il y a un contre-froid de saison, des pensées de printemps contrariées, quelques restes d’un hiver mal ajusté.
Le jour avec la nuit, le chaud-froid des émotions ; l’obscure clarté, dirait l’autre.
Allons ! Tirons un trait, observons quelque oiseau et gardons-en le geste élégant de l’envol.
  • 13.3.25

Cahin-caha

J’ai vu passer une solitude ce matin tôt avec son charriot d’angoisses, sur le trottoir cahin-caha trottant comme une enfant un premier jour d’école.

Son regard tombait sur ses souliers neufs, ceux que l’on a tous un jour portés, ceux qui brillent trop, que maintenant elle aimerait vite salir pour pouvoir marcher plus droit.

2023
  • 8.3.25

Fini

Je me souviens des nuits qui ressemblaient à des jours, des angles morts qu’elles faisaient dans la tête.

Je me souviens des tours de passe-passe pour attiser les pensées, des bouts de bois fumant sous les cendres, du feu dormant des peurs enfantines.

Je m'en souviens comme si c'était fini.
  • 6.3.25

Lieu

Je cherche un lieu où poser mon corps,
une embrasure dans un ciel porteur,
un endroit sûr sous une lumière solide.

J’y mettrai ma couche de paille,
entrains paresses et lendemains,
quelques amuse-bouches puis du vin
pour les jours où le ciel porte bas.

Loin de toute géographie connue,
je cherche un lieu qui ne tremble pas.

2023
  • 4.3.25

Étanche au monde

La ville a des sons lourds qui font tampons dans les oreilles. Ça convoque l’eau qui bouche à l’heure du bain, revient comme bouteille à la mer puis arrondit les bruits alentour pour plonger le souvenir dans une nasse.
Le clocher sonne un repic étouffé, les pas flâneurs du dimanche glissent sous des éponges. Les disparus reviennent, leurs voix passées au tamis glissent au-dessus des toits. Je les entends loin, enfant étanche au monde, tête et pensées sous l’eau. 
  • 2.3.25

Rire

Dehors tourne à vide sur un homme dans la rue. Il rit seul, assis sur un banc de fer blanc. Il rit bouche ouverte pour que sorte la douleur. Il rit sur une plaie aussi rouge que le banc est blanc. Jusqu’au moment où son oeil retourne vers toi le malaise. Jusqu’à cet instant où tu sais qu’à ton tour il faudrait rire.

2018
  • 1.3.25