On doute de notre regard. Des îlots de réalité qui le composent. Les points et les lignes qui tiennent le tout ont des tremblements. Petit séisme dans l’appréhension de ce qui se dresse devant nous. Il faut retenir nos langues qui auraient vite fait d’expliquer les petites erreurs du réel. Il y a trop peu d’arbres qui traversent la ville pour nous rassurer. Rien que ce trou sur le trottoir ne présage rien de bon.
J’ai vu passer une solitude ce matin tôt avec son charriot d’angoisses, sur le trottoir cahin-caha trottant comme une enfant un premier jour d’école.
Son regard tombait sur ses souliers neufs, ceux que l’on a tous un jour portés, ceux qui brillent trop, que maintenant elle aimerait vite salir pour pouvoir marcher plus droit.
La ville a des sons lourds qui font tampons dans les oreilles. Ça convoque l’eau qui bouche à l’heure du bain, revient comme bouteille à la mer puis arrondit les bruits alentour pour plonger le souvenir dans une nasse.
Le clocher sonne un repic étouffé, les pas flâneurs du dimanche glissent sous des éponges. Les disparus reviennent, leurs voix passées au tamis glissent au-dessus des toits. Je les entends loin, enfant étanche au monde, tête et pensées sous l’eau.
Dehors tourne à vide sur un homme dans la rue. Il rit seul, assis sur un banc de fer blanc. Il rit bouche ouverte pour que sorte la douleur. Il rit sur une plaie aussi rouge que le banc est blanc. Jusqu’au moment où son oeil retourne vers toi le malaise. Jusqu’à cet instant où tu sais qu’à ton tour il faudrait rire.